L'ART GOTHIQUE EN BRETAGNE (1)
Je ne serai jamais médiéviste. Je suis trop médiocre en latin. Plutôt qu’une monographie savante dont j’eus été si fier embarquons-nous pour une histoire sensible de l’art gothique en Bretagne où l’histoire personnelle et la subjectivité auront la part belle.
Je ne peux m’empêcher, lorsque je longe l’église de Confort, deux fois par jour, qui se découpe alternativement sur le levant et le couchant comme un ombre chinoise typiquement bretonne, de songer aux cartes postales collectionnées de l’enfance montrant la Bretagne sous ses traits les plus reconnaissables. Notre Dame de Confort, son cocher à jour de type cornouaillais, son calvaire au socle imposant, est plus que tout autre sujet de carte postale tant elle est archétypique. C’est par Confort qu’on entre dans le Cap. Une pancarte au maladroit « degemer mat » vous le signale. Des rives de la Manche, Confort jouissait de tous les attraits du lointain. Je n’imaginais pas que ces architectures riantes de Cornouaille, ajourées, dentelées, aigües, au premier rang desquelles était la cathédrale Saint Corentin, puisse être autrement qu’ensoleillées, de ce soleil breton qui rehausse plus qu’il n’affadit. Confort était au pays du soleil éternel, loin, très loin, au-delà de l’inaccessible Quimper même. Le fait est que chaque fois que j’eus l’occasion de traverser la bourgade qui s’annonce de la pointe de sa flèche au bout d’une interminable ligne droite, le soleil brillait.
Aujourd’hui je traverse Confort deux fois par jour. C’est apercevant son clocher de loin, après avoir longuement sinué, que je me considère arrivé dans mon nouveau monde.
La Basse Bretagne, et la Cornouaille en particulier, est aiguillonnée de ces fines et nerveuses silhouettes gothiques qui ne ressemblent à aucune autre architecture paroissiale en Europe et dont certaines sont très tardives, bien postérieure à l’époque où l’ogive fut abandonnée ailleurs. Ce fait cache bien des paradoxes et des interrogations. Ce style qui a marqué le paysage breton plus que tout autre y est à l’inverse fort peu représenté dans sa version monumentale. Les édifices où la structure gothique trouve tout son développement (voûtement d’ogives, élévation tripartite, fenêtres hautes, arcs-boutants…) sont rares et souvent modestes. Ensuite, les églises typiquement bretonnes, avec leurs caractéristiques reconnaissables au premier coup d’œil ne se rencontrent qu’en Basse Bretagne. L’adéquation entre les limites de ce style et les frontières linguistiques est troublante. Venant de Saint Brieuc, la première église à l’aspect résolument breton se voit à Lanloup. On est à la limite linguistique. Plus troublant encore, les chapelles bas-bretonnes sont couronnée de quatre types bien différenciés de clochers à jour qui vous dirons sans faute s’il vous faut parler léonard, trégorrois, cornouaillais ou vannetais !
Curieusement, l’exemple le plus ancien de ces vaisseaux aveugles, lambrissés et minimalistes dans leur structure se trouve dans le Cap, c’est l’église collégiale de Pont-Croix. (fin XIIéme siècle)
Mais le gothique à grande échelle a toujours eu ma préférence. Je fus assez tôt frappé d’un fait qu’aucun ouvrage ne soulignait vraiment, c’était que les quatre cathédrales rayonnantes ou flamboyantes bas-bretonnes partageaient des traits communs et originaux et qui n’étaient nulle part ailleurs combinés de la sorte. Il m’apparaissait évident que le premier édifice construit de ce genre avait influencé les autres, je veux parler du chœur de Saint Corentin.
(à suivre)