CARCASSONNE 2
Carcassonne m'a offert un de ces moments de grande communion avec un édifice, qui ne se produisent pas si souvent. Les premières photos de la cathédrale Saint Nazaire - j'en eus connaissance dans mon premier grand livre sur l'architecture gothique dont ma mère m'avait fait cadeau un Noël - me laissaient présager cette belle émotion, mais comment en être sûr. Sa spécificité m'avait frappé dès cette époque lointaine: c'est une pièce rapportée, un joyau du gothique rayonnant fidèle en tout point à la grande époque et au style d'Ile de France. Je n'arrive pas à obtenir suffisamment d'éléments sur sa construction, mais j'y verrais bien un oeuvre dans la même lignée que tous ses châteaux forts construits par des architectes nordiques sur le modèle du Louvre. Bref, ça n'est pas le style rayonnant méridional. D'ailleurs, alors que j'étais dans le vaisseau ogival, il fallait bien la chaleur pour me rappeler où j'étais. Ce que je voyais n'incitait guère à me penser dans les Corbières.
Car l'art rayonnant a eu une belle carrière en Occitanie. C'est l'architecte Jean Deschamps, connaisseur d'Amiens et de Saint Denis (le Saint Denis du XIIIème!) qui l'introduit à Clermont. Suivront Limoges, Narbonne, Rodez, Bordeaux, Toulouse, toutes signées de sa main ou de celle de ses descendants. Cet architecte ingénieux, inventeur de plusieurs détails esthétiques et techniques intéressants a dessiné des édifices qui me laissent pourtant (à part un) froid. Le gothique de Deschamps, et je ne saurais dire à quoi cela tient, sauf au prix d'une longue analyse, me fait presque autant d'effet qu'une église classique, c'est dire !
Saint Nazaire c'est tout l'inverse, c'est une illustration parmi les plus belles de cette capacité de l'art ogival à créer des espaces magiques, des mirages de pierre, des vibrations de couleurs et de formes, la plus belle figuration qui soit de la Jérusalem céleste : "La ville brillait d'un éclat semblable à celui d'une pierre précieuse, d'une pierre de jaspe transparente comme du cristal." (Jean, Livre de l'Apocalypse).
Là, j'ai vraiment retrouvé, malgré les dimensions beaucoup plus modestes, l'atmospère d'Amiens ou de Saint Denis.
Enfin je dirai que la très belle nef romane met en valeur par constraste le sanctuaire rayonnant et que partout où j'ai vu cette alliance, elle m'a séduit. Le plus bel exemple étant celui de la cathédrale du Mans.
A l'extérieur Viollet est pas mal intervenu. Il a notamment déposé gargouilles et autres bestioles pour les remplacer par ses propres figures. On reconnait la griffe des chimères de N.D. de Paris.