UN MONSTRE DANS UNE CLASSE
Etrangement, une anecdote assez stupéfiante qui m’avait été rapportée il y a une dizaine de jours ne m’a vraiment frappé que ce matin alors qu’elle me revenait en mémoire. Complexe cheminement des pensées…
C’était lors d’un long appel téléphonique d’une amie d’école. J’ai renoué des relations avec elle, il y a moins d’un an, à la recherche du dernier jalon, grâce à une autre conversation téléphonique que je narre ici.
Sous couvert de régler une histoire de places pour une pièce de théâtre, le propos s’échappe rapidement. Forcément, je la questionne sur ses échecs amoureux qu’elle m’annonçait à l’occasion d’une récente carte postale. Elle m’avait entretenu de sa flamme pour cet homme lors de notre rencontre estivale et de ses craintes qu’il ne soit pour elle une cause perdue. Les détails fournis sur la personnalité de l’être aimé m’avait largement fait partager ses doutes. Et voici enfin l’abcès crevé. Ce dernier aime la compagnie des femmes, de toute évidence, et celle de Soazig en particulier, mais pour les choses de l’amour, il préfère les hommes. J’ai alors failli laisser échapper un « décidément, tu n’as pas de chance » mais me souvenant que sa dernière déconvenue du genre, certes vieille de plus de vingt ans, me concernait un peu, j’ai jugé sage de m’abstenir.
Après que Soazig m’a donné les détails du mail du garçon où il annonce son homosexualité, je ne peux m’empêcher de réagir à quelques formules employées par lui-même et qui me semblent dénoter un malaise, voire un défaut d’acceptation de son orientation.
C’est sur ce terreau favorable que ma camarade confesse, avec une gêne marquée, qu’elle pense son père fortement homophobe. J’en suis assez troublé, car il faut dire que si je n’avais pas revu Soazig depuis mon arrivée en Bretagne avant l’été dernier, j’avais par contre fréquenté un peu ses parents revenus au pays et même enregistré une longue émission de radio chez eux. Je me souviens, plus anciennement encore, que son père doit avoir été la première personne à m’avoir adressé une phrase en breton, tandis que je commençais à l’apprendre, j’avais sans doute 18 ans alors, et que cela m’avait causé une peur bleue. Ce monsieur m’avait toujours semblé d’une grande gentillesse. J’imagine assez qu’à cette époque, les parents ont pu croire que j’étais (ou en passe de devenir) plus qu’un camarade d’école. Une des premières questions de sa mère, quand Soazig lui a parlé de nos retrouvailles, fut de savoir si j’étais marié. Me donnait-elle une seconde chance pour devenir son gendre ? Soazig déclara sans ambages : pacsé avec son copain. Mais elle suppose qu’elle n’en a rien dit à son mari. (Ça m’a rappelé les parents de mon « ex », le père savait et n’en avait rien dit à sa femme !) Soazig me raconte que son père avait été traumatisé lors d’une promenade dans des dunes : Tu sais, me dit-elle, parfois, dans les dunes… J’abrège de laborieuses explications : Oui, oui, je vois très bien… Il aurait vu des choses. Parmi les nombreuses causes de l’homophobie, Soazig caractérise sans hésiter, à mon grand étonnement, celle de son père : homosexualité refoulée ! Cette situation sans enjeu réel – ces gens sont très loin de ma vie - m’a mis dans un état d’esprit mitigé, comme si des problèmes, vestiges d’une autre vie, se créaient hors de moi, en dépit de moi mais autour de ma personne.
Mais je n’ai toujours pas raconté l’histoire qui m’a abasourdi ! C’est donc dans ce contexte bien circonscrit, que Soazig m’évoque le cas d’une de ses collègues enseignantes, lesbienne. Un jour elle se décide à expliquer à ses parent que la dite meilleure copine est en fait la femme avec laquelle elle partage la vie. Eh bien, que fit la mère, à votre avis ? Elle téléphona à l’inspection d’académie pour signaler (voire se plaindre) qu’ils avaient embauché un monstre parmi leurs enseignants !