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EN ALAN AR MEURVOR
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4 novembre 2008

EMBROUILLAMINI ou LE DIEU DU STADE

Dès le matin, lors d’un de mes passages éclair dans son local, ma collègue Ursula m’avertit : Karim est là ! Elle agrémente son annonce d’un sourire pour le moins énigmatique. Je ne manque pas d’être intrigué. Bien que Karim n’ait pas mis les pieds au centre depuis des années, il n’aura pas été le premier à réapparaitre après une longue absence. Pourquoi la nouvelle prend donc-t-elle dans la bouche d’Ursula un teinte sensationnelle ? Elle ne manque pas non plus de remarquer qu’à son sourire énigmatique, je réponds d’un autre, qui ne l’est pas moins.

Etrange personnage en effet que ce garçon alors assez impénétrable mais brillant, dont la vie semblait faite d’ascèse et qui, au premier jour, comme personne ne l’avait jamais fait, avec une assurance inouïe, voulut me prendre en défaut et me déstabiliser. Il échoua et fut vertement rembarré avec une autorité qu’il n’attendait pas et qui fut, sans doute, le seule type de réponse qui lui convenait, car dès ce jour, il fut l’étudiant le plus révérencieux que je n’eus jamais. A la courbette se joignit bientôt l’éloge, à la manière d’un certain Roland. Je le surpris même à me dessiner pendant les cours. Il projetait de faire une bande dessinée et me demanda l’autorisation d’utiliser mon image pour son héros !

Il accepta même de moi une délicate mission campanaire dont il ne vint pas à bout faute de savoir faire fléchir les autorités ecclésiastiques.

Puis il alla enseigner l’idiome occidental sur les marches orientales et je le vis plus.

Un jour, je reçus de lui un épais dossier. Il avait fait un travail de traduction dans un domaine inédit, où le vocabulaire était à créer, et me demandait de le corriger.

Un soir que je buvais des coups au pub avec Norbert et Amandine, ce dernier, qui avait travaillé avec Karim, commence à se plaindre de lui. « Il n’arrête pas de dire que j’ai un beau cul – bof, me dis-je – je n’ose plus travailler avec lui. » Je garde mon étonnement pour moi, n’ayant jamais envisagé Karim sous cet angle. Mais Norbert insiste lourdement et je finis par trouver au discours un vague relent homophobe. Mon sang ne fait qu’un tour, et un peu désinhibé par la bière, je finis par lancer : « Bon, ça va ! Moi aussi j’aime les mecs et je ne t’ai jamais sauté dessus pour autant ! » C’était avant la parution de mon livre sur le sujet et la chose n’était pas connue. Il s’ensuivit un long et lourd silence dont je ne savais trop que faire…

Je ne pouvais donc que renvoyer son sourire énigmatique à Ursula.

Nous nous croisons, Karim et moi, quelques heures après l’effet d’annonce. Retrouvailles chaleureuses. « J’ai acheté ton livre, mais je ne l’ai pas encore lu. » « Lequel ? » « Celui sur lequel il a une cathédrale. » Il me pose une vague question sur le livre précédent qui donne à penser qu’il ne sait pas trop de quoi il s’agit. J’ai peine à le croire. Mais je sais que chez lui, la phrase est souvent calculée.

A l’issue des cours, je retrouve Karim sur le seuil. « Tu fais quoi ce soir ?, me demande-t-il. » « Je voulais aller faire des mesures au centre-ville (dans mon appartement), mais on peut aller boire un verre après. »

Je l’emmène au centre, gare ma voiture près de l’appart et constate alors, qu’ayant changé de manteau, je n’ai pas les clefs. Nous passons néanmoins au pied où je fais un petit speech sur l’origine des pierres de construction. Et soudain, début de l’offensive. « Bon, c’est aussi bien que tu n’aies pas les clefs car il n’aurait pas fallu qu’on se retrouve tous les deux, côte à côte (kichen-ha-kichen), dans ce petit appart. » (C’est fou ce qu’il me rappelle Roland parfois !) Curieusement, j’ai déjà oublié ma réponse, mais ça n’était pas glorieux, car si j’ai du répondant dans la coquinerie, dès que la situation est un peu « impliquante »  je perds mes moyens.

Nous arrivons au QG. Devant la bière, la discussion louvoie. Nous évoquons ceux des collègues de Karim que j’ai formé. Roland, bien sûr. « Oh, Roland, il a bien changé depuis qu’il est marié, il est plus froid avec moi, quand je pense qu’on est allé en vacances ensemble, qu’on draguait les filles. » Oh là, ça tire à hu et à dia à la fois tout ça, je commence à m’emmêler. Ensuite vient le tour de Norbert. « Norbert, j’ai essayé de le dérider, mais je l’ai choqué. » J’avance un pion : « Oui, j’en ai entendu parler jusqu’ici. » Etonnement. « Ah, il t’en a parlé. » « Oui, ça l’a marqué ». « Il t’a dit que j’étais homo, c’est ça ? » Et bien, on y arrive ! « Oui. » Le discours se relâche. Je reviens à l’attaque : « Mais, enfin, il avait de quoi le penser, d’après ton attitude, non ? » « Oui, c’est vrai. » Il m’explique avec force circonvolutions que c’était dans le seul but de le dérider (sic !). Je finis par comprendre d’après mi mots qu’il soupçonnait Norbert d’être peut-être homo. Bref, voilà la situation renversée. Je m’y perds de plus en plus, je ne sais plus où est la sincérité et le jeu dans tout ça.

Sur ces entrefaites, la porte du QG s’ouvre, et entrent, sans me voir, Moumounig et sa chaperonne Madeleine. Je commence à trouver la situation assez drôle.

« Mais je fréquente des  gens des deux côtés. », reprend Karim. « Deux côtés ? » « Oui, homo, hétéro. » « Ah, alors Norbert n’avait pas tout à fait tort ! » - Il va la cracher, sa valda ! – « Fréquenter, c’est pas baiser ! » A hu et à dia, de nouveau ! Bon, au fond, il veut juste me témoigner de son-ouverture-d’esprit-politiquement-correcte. Il me parle alors d’un photogaphe (homo) qui se proposer de faire le portait des joueurs du club de foot dont est Karim, pour un calendrier. « Il m’a emmené au sauna gay. » Aïe, le coup de volant à dia est rude, cette fois. Là, j’ai bien une bonne répartie fracassante, mais je la garde pour moi. Il m’explique, le plus naturellement du monde, qu’il s’agissait de préparer les photos ! Là, je l’arrête : « Je ne comprends rien ! Quel est le rapport ? » « C’est simple, c’était des photos de nus. Le sauna, c’était pour m’habituer. » Ben tiens ! Bref -je passe de nombreux méandres - le photographe fait des photos de Karim au sauna et les photos se retrouvent… dans l’établissement où travaille Karim ! (Ah, si la reine Hi-Jan…) Je suis pour le moins perplexe.

Je vais au petit coin. A mon retour, Karim a rejoint la table de Moumounig et Madeleine. Comme ils ont tous eu le même prof de langue, ils se remémorent gaiement ses pires colères. Karim joue un rôle étrange, et questionne à tour de rôle. Moumounig est, bien-sûr, un peu désarçonné. Et puis, devant ces deux quimpérois, Karim qui doit passer la soirée en ville, s’enquiert des distractions possibles. Il a dans la voix une tonalité un peu coquine, que Madeleine – toute émoustillée par Karim – repère très vite. Et puis soudain, il balance tout à trac : « Il y a un sauna ? » Sans réfléchir, je réponds : « Oui, mais il est hétéro ! » Je donne quand-même l’adresse, l’occasion d’une jolie étymologie en vieux-breton. Il est grand temps de regagner le Far West !

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Commentaires
K
Très amusant ce récit ! Si Madeleine avait le droit a la parole, elle dirait peut-être : "Chaperonne, moi ? Et puis quoi encore !? Intriguée, intéressée par Karim serait plus juste qu'émoustillée, mais bon..."
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K
Kleger> Je reçois au moment même un mail extrème oriental qui me fait penser que tu as encore toutes tes chances, mais comme tu dis bof, hein, on ne te forcera pas !
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K
Poilant.<br /> A part ça, comme Kleger lit trop vite elle comprend a-dreuz, et dans un premier temps elle a pensé "zuuuuuuuuuuut !" Mais ça collait pas. Puis dans un 2ème temps elle a rectifié sa méprise et a pensé : "booooooooooooooof, j'ai rien perdu" Hihihihi...
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