ETE CLAUSTRAL

Si l’on excepte les fortifications de Girona et les nombreux forts vaubanesques aperçus sur les escarpements pyrénéens, la liste des forteresses s’arrête avec Bonaguil. L’été qui devait être castral s’avéra claustral. Nous ne visitâmes en effet pas moins de sept cloîtres. Récompense justement méritée pour ce pauvre Vladimir, traîné d’églises en cathédrales et de cathédrales en abbatiales, et qui trouve dans ces quadrilatères fermés d’arcades un vrai lieu d’inspiration. Je ne saurais plus dire si cet engouement chez lui naquit ou ne fut que renforcé, il y a quelques années, à Grenade, lors de la découverte de la Cour des Lions de l’Alhambra mais il me semble que nous cherchons toujours un peu à retrouver, en ces lieux de déambulation chrétienne, de l’enchantement qui nous avait saisi dans le monument profane et arabe d’Andalousie.

Moissac, haut lieu de l’histoire de l’art, malgré la collection de chapiteaux, malgré l’immense tympan de l’église, précurseurs dans l’histoire de la sculpture romane, nous laissa un peu froid.

L’une des bonnes surprises vint du cloître de l’ancienne abbaye d’Arles sur Tech - commune où nous résidions lors de notre étape pyrénéenne - dont j’ignorais l’existence et qui est apparemment peu connu à en juger par la faible fréquentation touristique. Cloître gothique aux colonnes jumelées qui s’alignent ou se chevauchent, s’annihilent ou se démultiplient au gré notre progression, réseau de buis taillés enserrant des lopins où des rehausses de bois me rappellent l’imminence de la construction de mon jardin médiéval. Je vis d’ailleurs à plusieurs reprises ce type d’aménagement lors des vacances qui furent autant d’occasions de réfléchir à mon propre projet. Vladimir est d’emblée séduit comme moi. Par la belle simplicité de cette architecture du treizième siècle. Opportunité m’est donnée, une fois de plus, de battre en brèche la représentation simpliste du dépouillement du roman et de l’exubérance du gothique.

Autre surprise gothique insérée dans un ensemble roman, le cloître de Sant Joan des Abadesses, en Catalogne du Sud, de la fin du Moyen-âge, lui aussi très sobre, avec des piles d’une finesse inégalée qui lui confèrent un rien de préciosité sans ôter à la mystique du lieu.

Saint Martin du Canigou, saint Michel de Cuxa et le prieuré isolé de Serrabone, accessible après des kilomètres et des kilomètres d’épingles à cheveux, forment une sorte de trilogie puisque le même atelier de sculpteurs y travailla et s’y perfectionna. Nous visitâmes ces trois abbayes dans l’ordre inverse de celui qu’aurait exigé la chronologie et sans doute aussi la beauté. Autant dire que l’effet que nous fit Serrabone, cernée de l’ambiance chaude et humide d’un orage menaçant, surpassa allègrement celui des deux autres, surtout Saint Martin. Trois églises et cloîtres dont les chapiteaux réalisés dans un marbre aux veines rouge-orangé où gesticulaient les réminiscences d’une iconographie mauresque semblaient nous entraîner bien loin de l’occident médiéval.

(saint Michel)

(Serrabone)

Le summum de cet art est visible à Serrabone, plus qu’aux galeries du cloître, dans un édicule à l’intérieur de la nef, œuvre rarissime : la tribune de chant dont tout le symbolisme des lions, griffons, singes et autres diablotins nous fut décrypté avec brio. Je vise d’emblée les six croisées d’ogives sans clef apparente qui voûtent les travées intérieures de la tribune et les mets au compte d’une restauration postérieure.  Je suis sans l’erreur ! Ces croisées sont contemporaines de l’ensemble et bien antérieures à l’art ogival. Influence des arabes peut-être encore auxquels il est permis de penser que l’art gothique a emprunté l’ogive. A Serrabone, comme à Saint Martin, l’une des galeries du cloître ouvre sur la montagne et ajoute à la magie de l’ensemble.

Il reste un beau cloître roman à mentionner, hélas un peu éclipsé dans ma mémoire par tous ses prédécesseurs et surtout par la surprise que constitua la cathédrale à la quelle il s’adosse, celui de Girona. De la cathédrale, bien sûr, je reparlerai.

Comments

[Lancelot]

@ Karreg : Ca sous-entend que dans ta maison idéale il y aurait des discours philosophiques en toile de fond, que tu n'écouterais pas....

@ Karagar : Tu es "Sans l'erreur"....? oooouh qu'il est joli ce lapsus là ! :D

[KarregWenn]

Cornus > Peux pas j'ai perdu mon compas.

[Cornus]

KarregWenn> Alors au boulot !

[KarregWenn]

Cornus > Non (c'est un peu loin quand même mes années de philo!) Mais je peux te les refaire au cm près. Dans ma mémoire ils sont !

[Cornus]

KarregWenn> Et tu ne les as plus ces dessins ?