LA PREFEREEE DE NOMINOE
Je ne l’avais revue de longue date et l’impression ressentie des années plus tard épousait parfaitement l’empreinte laissée dans ma mémoire. L’austérité de l’extérieur, où rien de tourne, loin de paraître rébarbative, impose le respect. On croirait le long vaisseau taillé pour l’abbaye d’un ordre sévère plutôt que pour un siège épiscopal. L’intérieur est une longue carène effilée, verticale et puissante à la fois et qui demeure à mes yeux, malgré ses dimensions modestes, une des visions les plus marquantes du gothique. C’est sans doute la seule cathédrale bretonne dont toute la construction est contenue dans un seul siècle, le XIIIème. Le chœur, plus tardif, laisse fleurir les gracilités du rayonnant, avec, en sa dernière travée, fait rarissime en Bretagne, un triforium vitré. Le chevet plat enceint d’un déambulatoire carré, sans doute unique dans l’hexagone, les arcs-boutants inclinés plus que de coutume, la manière de « crazy vault » couvrant la travée à l’arrière du chœur, tout ici libère un fort parfum britannique. A presqu’un an jour pour jour de ma visite de la mémorable cathédrale de Lincoln, j’en retrouve, la froidure aidant, l’ambiance particulière. Occupant toute la fenêtre orientale, le seul vitrail breton du XIIIème, autrement dit de la grande époque, avec dans un de ses médaillons, une scène qui me touche particulièrement, Saint Sanson quittant la Grande Bretagne pour le petite…
Cette cathédrale avait été voulue la première de Bretagne par Nominoé et un archevêché plus ou moins illicite se maintint là plusieurs siècles malgré les pressions des pouvoirs centralisateurs et uniformisateurs. J’aime aussi cette symbolique à Dol et il me plait de voir dans la noblesse de son architecture une tentative pour maintenir le souvenir de ces velléités contrariées. Malgré sa façade tronquée et défigurée, elle eût été digne d’être la « Saint Denis » ou « Westminster » bretonne.
"crazy vaulting"