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EN ALAN AR MEURVOR
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8 janvier 2008

LES ANGLAIS MIS EN DIFFICULTE

A peine ai-je franchi le sas, après m’être acquitté d’un droit d’entrée exorbitant, à peine ai-je, du regard, embrassé l’espace qui s’offre à moi, que je suis empli d’une sensation attendue mais plus puissante que prévue et qui me met un sourire aux lèvres : back to France. L’impression a d’autant plus de densité que j’ai en mémoire, tout frais encore, l’espace si particulier de la cathédrale de Lincoln que j’avais apprivoisé comme on se laisse entraîner, parfois avec douleur, aux circonvolutions d’une nouvelle langue. Pari réussi me dis-je donc d’emblée. L’abbaye de Westminster est la seule grande église gothique de Grande Bretagne où l’on ait adopté un parti architectural résolument français. La chose est remarquable quand on sait à quel point et avec quelle célérité, le gothique anglais s’est écarté de son modèle français (dès la mort de William de Sens, le premier architecte de Canterbury, en fait, remplacé par un autochtone), pour développer à partir d’éléments semblables une esthétique incompatible avec ce premier. Il faut croire que malgré cette divergence, l’art ogival français, avait gardé aux yeux des anglais un grand prestige, pour qu’on décide de l’imiter pour la construction d’une église au combien symbolique puisque destinée à abriter les tombes des souverains. D’ailleurs il n’est pas anodin de rappeler que l’église française qui eut ce rôle, l’église abbatiale de Saint Denis, est celle où, en 1140, sous l’impulsion du très puissant abbé Suger (également premier théoricien du centralisme français !), l’art gothique fut inventé et où, un siècle plus tard, l’architecture rayonnante trouva sa première illustration aboutie. (C’est important car à ce moment précis la technique gothique atteint son apogée, et arrive au bout de sa logique et les modifications au cours des longs siècles qui suivirent ne sont que conjectures formelles sur un canevas presque inchangé, donc on peut dire que le gothique nait et parvient à sa maturité dans le même édifice, à Saint Denis.) Faut-il voir donc à Westminster un hommage à cette église fondatrice du nouvel art ?

w1Le plan, du plus banal de ce côté ci de la Manche est très rare là bas : un seul transept, chœur court avec déambulatoire et chapelles rayonnantes et donc une abside semi circulaire (au lieu du chevet plat – deux cathédrale au chevet plat en Bretagne quand même, Dol et St Malo !) C’est surtout les proportions et la structure qui frappent : verticalité, avec 32 mètres sous voûte – modeste par rapport au grandes cathédrales d’Ile de France mais vertigineux pour l’Angleterre, mur fin au lieu du mur épais anglo-normand-breton - , grandes fenêtres qui descendent largement au dessous de l’appui des voûtes. Le chœur peu profond, le réseau des fenêtres, une certaines « sècheresse » architecturale à l’extérieur, me font penser à Reims. Je trouve au retour le nom de l’auteur des plans sur Wikipédia : stupéfaction, c’est un certain Henri de Reims… Ici mes repères fonctionnent ! Je suis surpris néanmoins que les fenêtres n’osent occuper toute la lunette de la voûte, que le réseau reste résolument rémois (1210 – déjà vieux jeu en 1220 à Amiens) alors que la construction débute en 1245. Il y a de la frilosité dans l’air.

Et puis soudain je les vois, ils sont des dizaines, des tirants de fer entre tous les piliers du chœur et des bas côtés de celui ci ! Comme si le « minster » peinait à tenir debout. Mon sourire devient mesquin. Il semble que les anglais aient été mis en difficulté et qu’on ne construise pas impunément un édifice à haute technicité sans en avoir l’expérience. Je rigole franchement quand, arrivé dans le cloître, je découvre des arcs boutants répétés à l’infini, presque jusqu’au sol, donnant une bonne idée d’un affolement architectural. Visiblement on n’était pas trop sûr de leur efficacité pour en avoir mis autant, à moins qu’ils fussent rajoutés par la suite.

Voila donc un édifice plus excitant que renversant et je me suis dit en sortant qu’il existait, quelque part, un mariage stylistique franco anglais moins risqué mais plus réussi.

(il était interdit de photographier l’intérieur)

Grouillement d'arcs boutants :

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Le chapter house (inspiré de Lincoln)

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Commentaires
A
Pinaiz', pourquoi tu nous apprends ça maintenant ? Y'a 20 ans, quand ces deux br... d'anglais m'ont fait une tête au carré, j'aurais su ça j'leur aurais balancé : " Eh, allez vous faire bâtir une cathédrale qui tienne debout et on en reparlera ! " ;-)<br /> Bon, en même temps, vu leur niveau intellectuel, je ne suis pas sûr qu'ils auraient saisi... :-)))
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C
Evidemment, cela m'a l'air plus familier que Lincoln et tes explications sont très intéressantes. Du coup, je trouve nul que l'on ne puisse pas prendre de photo à l'intérieur, surtout si en plus on a payé pour voir. Difficile de revenir détailler ses photos a posteriori. Je ne connais pas du tout Saint-Denis : cela fait partie des passages obligé pour mieux saisir tes explications.<br /> Autrement, je suis aussi très impressionné par les arcs-boutants, ce que je trouve au demeurant assez réussi sur le plan esthétique.
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K
Voilà, c'est ce que je voulais dire ! :-))<br /> Merci pour ces précisions !
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K
Krid et Kleg> La rosace est au contraire des plus classiques (là encore c'est peu ou prou la rosace ouest de Reims, mais Westminster est aussi la cathédrale des sacres donc c'est Reims + St DEnis) Le perspective la déforme et de plus la voûte la cache un peu. Les retombes des voùtes sont trop raides en effet et les ogives (nervures) incroyablement épaisses pour la seconde moitié du XIIIème,preuve supplémentaire que les architectes avaient peur!
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K
C'est vrai qu'elle est bizarre, cette rosace !<br /> Les photos qui me renversent le plus sont la première et la dernière. J'aimerais voir ça "en vrai", un jour...
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