Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
EN ALAN AR MEURVOR
EN ALAN AR MEURVOR
Publicité
Derniers commentaires
Archives
9 décembre 2010

LE CHAT DE KERVASKER 8

kervaskez10

 

Chapitre  VIII

Rencontre au sommet

 

 

 

 

Du fait des évènements récent, les habitants de Botyen accueillaient le lever du jour avec un sentiment de soulagement. C’était prétexte à  tarder au lit et n’en sortir que quand une franche et irréversible clarté perçait au travers des épaisses tentures dont chaque chambre était pourvue. Mais, dès les premières heures de la journée et malgré les perspectives de réjouissements divers, on se sentait déjà quelque peu en sursis, on savait que les heures passeraient vite avant que le soleil ne montre ses premiers signes de faiblesse et n’annonce l’inexorable nuit. 

Le comte Pornus, d’ordinaire si précocement sur pieds, s’adaptait mal à ces rallonges matinales et souvent il flottait quelque part entre sommeil et éveil, estimant que le jour mettait une éternité à poindre. Ce matin là, l’attente lui semblait plus longue que d’habitude. Par moment il s’assoupissait de nouveau, juste le temps de rêver que le soleil s’était égaré et ne trouvait plus le chemin des Monts Diarrée, ce qui ne manquait de le réveiller dans un spasme d’angoisse. Finalement, n’y tenant plus, il bondit de sa couche et tira les lourds rideaux. Le jour était bien levé, mais un ciel chargé déversait sur le paysage décharné des légions de gros flocons denses que la clarté blafarde peinait à percer. Il neigeait. Il neigeait sans doute depuis des heures car seuls les arbustes saillaient encore du manteau blanc comme autant de poils d’une barbe clairsemée. 

Etait-ce là la raison de l’air mystérieux qu’affichait Yann-Marc’hkar la veille au soir ? Avait-il étudié les cartes météo ? Il réveilla délicatement la marquise et sans rien dire, il pointa la fenêtre du doigt. Celle-ci, après s’être étirée, s’y dirigea promptement. 

A neuf heures quinze précises, un grand cri ébranla tout le manoir, sortant du lit les derniers traînards :

-         Youououououououououc’houououou !

La marquise avait salué la neige. Elle voyait déjà le Pornhomme de Neige qu’elle ferait dans la cour manoriale, les batailles contre Yann-Marc’hkar dans le bosquet en contrebas et souriait béatement. Mais un masque sérieux fit brusquement s’évanouir son air jovial. Fromulus prenait très à cœur la mission que Yann-Marc’hkar semblait lui avoir confiée dans son courrier d’invitation. Pour assoir sa réputation de chasseuse de monstres, il lui fallait réitérer l’exploit d’Oxymoor. Or, qui dit neige, dit traces ! Avec un peu de chances, pensait-elle… Mais un parfum de kouign-amann réchauffé lui pénétra les narines qui stoppa tout net les activités réflexives de la diva. Le petit déjeuner devait être prêt. 

 

Elle fit un brin de toilette avant de descendre. Parvenue dans la cuisine, elle vit Volaskell déjà à table qui, n’ayant pas droit au kouign-amann, se concoctait une improbable mixture, à base de lait de soja, de jus de kiwi, de miel de grosdodendron, de Vitavix écrasé, de Poor-Rich et de Marmite. 

Yann-Marc’hkar, tout en surdosant le café, penché au dessus de l’un des fourneaux, pestait :

-         Volaskell chéri, si tu veux un rôle de breton dans Histerix, fais un effort sur le kouign ! (NDLR : le pâtissier de St Crado, un émigré d’outre Manche s’appelait Mooser, c’était donc le kouign Mooser, mais Fromulus qui trouvait qu’il ne contenait pas assez de beurre le surnommait le Kouign-mizer).

 

         La marquise chercha son homme d’un circumregard. Elle le repéra, contre une des fenêtres, les yeux au ciel, la mine soucieuse. 

-         Allez, mon Pornuset, voyez le bon côté de la chose, qui pourrait rêver d’une meilleure ambiance de Noël ? 

-         Il ne s’agit pas de la tempête de neige, ma douce. C’est cet étrange oiseau qui tournoie au dessus du manoir et qui défie la science.

Le comte Pornus rex Copuli avait depuis quelques années troqué l’habit du naturiste contre celui du naturaliste. 

 

-         Hein, hein, répliqua sans conviction la marquise qui craignait qu’une tirade ornithophile ne l’oblige à retrouver son kouign-amann froid. 

-         J’ai bien cru à un corbeau, mais il n’y a plus de doute, c’est un goéland… noir !

A ces mots, Yann-Marc’hkar qui ne paraissait pas écouter, bondit hors de la pièce et se précipita dans la vis de granite qui se déroulait dans la tour. Pornus attrapa son gâteau et son bol de café et resta près de la fenêtre, intrigué. Au bout d’un moment, il s’exclama :

-         Ah, le revoilà qui passe, dans l’autre sens !

Cinq minutes plus tard, Yann-Marchkar était de retour, l’air plus énigmatique que jamais. Se sentant dardé du regard inquisiteur de Fromulus, il tenta une diversion :

-         Bis-Cotto, c’est l’heure du lait.

Suivi du chat, il se dirigea dans un recoin de la cuisine. Au pied d’une énorme effigie de souris en peluche rose et grise et au corps corseté de ficelle pour faire griffoir, il y avait trois bols, décorés de scènes de chasse féline, un pour les croquettes, un pour l’eau, le dernier pour le lait. Yann-Marc’hkar, grâce à un verre à mesure détermina la ration journalière et versa. Bis-Cotto lapa.

Vers midi, la neige avait cessé de tomber. Le ciel restait gris mais la visibilité était bonne. Certains montèrent à la tour pour admirer les immensités blanchies de la lande, les successions de croupes immaculées encerclant la vaste dépression où le lac aux eaux noires faisait figure de cratère froid. 

A l’heure de l’apéro, les quatre occupants du manoir était rassemblés au salon, Fromulus faisait des crocodiles en perle, Pornus examinait à la loupe un vieil herbier de plantes carnivores hyper atlantiques, Volaskell attendait que les résultats d’un match de tennis s’affichent sur son I-fone et Yann-Marc’hkar semblait ne rien faire. Entre deux pattes de crocodile, la marquise guettait son attitude. Il ne cessait de regarder la grosse horloge aux pattes griffues qu’il tenait de son ancêtre illustre, le comte Drencula. 

Quand celle-ci sonna la demie, Bis-Cotto émit un long miaulement caverneux et se mit à tourner nerveusement en tous sens. Il se posta devant la porte d’entrée, sans utiliser sa chati-gothique, se retournant sans cesse vers les humains comme dans une invite. 

Yann-Marc’hkar se leva. 

-         C’est l’heure, habillez-vous chaudement. 

Tous les autres se regardèrent, interrogatifs, mais obtempérèrent sans broncher. Une fois harnachés, ils progressèrent dans la neige épaisse, suivant Bis-Cotto dont plus grand-chose ne dépassait. La lente procession rejoignit la grande route par un raccourci  à travers la lande. De là, ils jouissaient d’une vue dégagée sur le pays Diarrée. Bis-Cotto s’immobilisa et fixa la direction du sud. Il n’y avait rien à voir pourtant qu’un désert neigeux, noirci par endroits par des colonies d’étourneaux au sol. Soudain, l’une d’entre elles s’ébranla après avoir fait le silence total. Mais au lieu de s’envoler tous dans la même direction, les oiseaux se séparèrent progressivement en deux groupes, dégageant une piste blanche au centre.  Bis-Cotto se mit à ronronner très fort. Alors, un minuscule point noir apparut. Bis-Cotto s’avança dans sa direction. A Fromulus qui faisait mine de le suivre, il fit un « miaou » sévère qui l’en dissuada. 

         Peu à peu, le point noir se révéla comme un chat. Pornus le visa de sa longue-vue. C’était une petite bête assez fine et au poil soyeux. Quelque chose dans sa démarche inspirait le respect. Pornus émit un sifflement admiratif car il portait au cou un collier entièrement garni de gros rubis. A la jonction, les deux chats se reniflèrent puis se léchèrent longuement, non sans se gratifier mutuellement de quelques coups de patte amicaux. Le comte, fixé sur la scène, n’avait pas vu que désormais les autres avait levé la tête et regardaient plus loin. Sous une noire nuée qui semblait le suivre, escorté par un goéland de jais, tiré par huit chevaux d’ébène harnachés d’argent, dans un halo de brume violacée, arrivait un immense carrosse fuligineux.

-         Par les sex-toys de la Gastafiore, s’écria Fromulus, la Douairière Torzh !

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
La dernière scène a un côté apocalyptique qui est loin de me déplaire!
Répondre
K
Cornus > Tu sais, même fuligineux un carrosse dans le marais, moi je donne pas cher de ses essieux...Pornus va encore devoir chausser ses sexycuissardes et prendre des risques insensés pour la sauver ! Je le sens...je le sens...ça va être terrible ! Obligé, parce que Jehan et la Marquise à tous les coups ils vont avoir un vieux manuscrit à défricher d'urgence, et Wouolaskell, le cher pauvre homme, s'il était pas là pour passer l'aspiouateur dans le gouand salon...
Répondre
C
Alors, la Douairière, elle en met du temps à arriver !
Répondre
C
Vladimir> Il va falloir préparer une vengeance.<br /> <br /> KarregWenn> Bah rien, juste la Douairière, qui comme chacun sait, avait un temps fréquenté la ville de Douai...
Répondre
K
Cornus > Quoi la Douairière ? Hein ?
Répondre
Publicité