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EN ALAN AR MEURVOR
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21 février 2008

PARIS 1770 - UNE INTUITION DU PASSE

J’écoute avec délectation l’historienne qui raconte son travail de publication des rapports d’un garde suisse en charge de faire régner l’ordre, aux alentours de 1770, sur les Champs Elysées.  A cette époque, l’endroit mérite encore son nom. C’est une zone champêtre, où, bien que par des aménagements et des plantations raisonnées on s’efforce de lui donner un caractère policé, des vaches paissent encore. Mais la proximité de la ville en fait un lieu privilégié de promenade et d’exhibition de ses atours.  Les textes émanant des humbles qui sont si rares parmi les documents de l’Histoire m’intéressent plus que tout autre, parce qu’ils parlent sans ambages, parce qu’ils n’obéissent à aucun modèle de rédaction, et nous renseignent sur la sensibilité des gens d’une époque comme une machine à remonter le temps. J’avais entendu ainsi, une fois, une lettre d’amour écrite par une femme, au Moyen Age, en Allemagne, sur une écorce de hêtre (Buch !) dont il m’avait semblé qu’elle eût pu être écrite de nos jours. Elle m’avait fait l’effet d’une immense percée de lumière sur ce que les cathédrales ne disaient pas.

Notre garde suisse écrivait difficilement, il ignorait l’orthographe, savait à peine séparer les mots, la compréhension de ses textes est parfois au prix d’une lecture à haute voix. Il m’est arrivé de lire des textes en breton de la sorte. L’historienne expliqua, qu’à la graphie fantaisiste du garde, elle pouvait parfois reconstituer la prononciation du français de l’époque. Passionnant.

Le rédacteur semblait avoir une forte sensibilité aux inégalités sociales, à l’impunité des nantis, à l’obligation, à l’inverse, des humbles de se plier aux sanctions de la justice. Il trouvait également inadmissible, que les chevaux des cavaliers, abimassent les arbres.  Sympathique cet homme !

En écoutant la description des Champs Elysées, de ses espaces buissonnants et bruissant de vie à toute heure du jour et de la nuit, mon esprit, malgré moi, se met à vagabonder. Une question qui  vous paraîtra sans doute incongrue me traverse : un tel endroit ne pouvait être qu’un lieu de drague homosexuelle. D’ailleurs, pensai-je, ce genre d’endroits existaient-ils ? Comment les homos se rencontraient-ils à l’époque ? Là encore, seuls les grands de ce monde ont laissé des traces. J’ai à peine formulé ma question dans ma tête que la réponse m’est donnée par l’historienne. Un nombre important de rapports dressés par le garde suisse le sont pour sodomie. Je le sentais, comme j’ai pu sentir ce genre d’endroit dans le présent. Notre historienne nous lit même un de ces rapports : un couple surpris en pleine action à 23 H 30, après 22H 00 donc. Celui que le jargon actuel du milieu nomme l’actif nous est donné comme le « saillant ». Amusant, non ? Sauf que le crime est encore un des plus graves qui soit. La dernière exécution pour ce motif remonte à cinquante ans, place de Grève. Notre garde, qui trouve la chose des plus monstrueuses, montre néanmoins une certaine clémence, surtout s’il apprend que l’homme est marié. Il s’en tire avec une exhortation à ne plus recommencer formulée par notre bon garde qui ne le dénoncera pas à la police.

Qui dit que celui qui aime les arbres n’a pas de compassion pour l’humanité ?

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Commentaires
C
Ah ça aussi, c'est à la radio ! Moi aussi, j'écoute pas mal, mais là, non !
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K
j'écoute pas mal la radio...
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C
Intéressant. Mais je ne comprends pas trop le cadre dans lequel tu as rencontré cette historienne.
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K
Ce texte m'a beaucoup intéressée, le précédent aussi . En quoi ? En tout... ;-)
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K
Ton garde suisse écriveur m'a fait pensé à un certain trégorrois à lire à haute voix.
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