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EN ALAN AR MEURVOR
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14 septembre 2020

A CONTRE COURANT 7 : GRAND RETOUR

Retour :

Le soir même de notre escapade à la vallée de Chaudefour, profitant de la belle lumière déclinante, nous nous rendons en un endroit cher, auquel nous retournerons un autre jour, matinalement cette fois, pour le voir éclairé de l'orient et réaliser un petit projet conçu dès avant notre départ...Les photos illustrant ce qui suit ont été prises durant ces deux visites.

Vous l'aurez peut-être deviné, il s'agit de l'église de Saint Nectaire. Elle est sans doute, avec Conques - avec laquelle elle partage quelques point communs du point de vue de l'Histoire de l'art, sur lesquels je reviendrai - mon église romane préférée. Alors même que le village de Conques est autrement plus beau, que l'intérieur de la célèbre église sur le chemin de Saint Jacques est, à  mon goût, indépassable, j'ai pour Saint Nectaire une tendresse particulière et qui ne s'explique pas, ou en tout cas pas uniquement, par des considérations architecturales. Je l'avais découverte en classe de cinquième, en photo sur mon livre d'Histoire, comme illustration de l'église romane typique, à l'époque où mon amour de l'art médiéval prenait un tournant décisif. Je conçus donc le rêve de la voir en vrai. Pendant de nombreuses années, elle m'avait semblé bien lointaine et je pus enfin la voir lors d'un périple fondateur de ma nouvelle vie - et dont le récit fut l'ouverture de mon blog - , il y a quinze ans tout juste. J'étais accompagné, tout le monde s'en souvient, de la future Madame Cornus. Si l'on ajoute à cela que le fromage homonyme était mon préfèré (car hélas je ne le goûte plus), il y avait bien là de quoi en faire un lieu d'exception. Je me souviens très bien du moment où cette église a pris une place particulière dans mon coeur (au sein d'un panthéon assez restreint). C'est quand je suis entré dedans. Je savais que l'extérieur me plairait, cela ne faisait aucun doute. Mais les intérieurs romans me déçoivent toujours un peu (je dis nullement qu'ils ne me plaisent pas, loin de là, mais aucun ne m'a vraiment fait pleurer). J'ai été immmédiatement séduit. Et j'ai trouvé qu'il y avait là une belle convergence, qui scella son destin héroïque... J'avais notamment aimé le gris clair de cette pierre, qui avait marqué ma mémoire.

C'est pourquoi je n'y retournais pas sans une petite crainte. En effet, j'avais noté que l'intérieur avait été restauré depuis et badigeonné selon une technique inaugurée je crois à Quimper. Je ne doutais pas de la qualité du travail, mais y retrouverais-je mes repères, mes émotions passées? Je peux d'ores et déjà vous dire que le charme opéra de nouveau, et je dois dire que le dispositif sanitaire (nef interdite), ajouté à la faible fréquentation du sanctuaire, nous évita les affres de la surpopulation et fut propice à un retour d'émotion.

  Le club des cinq :

A Notre Dame du Port de Clermont-Ferrand s'était mis en place un schéma architectural, à partir d'éléments de sources diverses qui fut repris, avec des variantes infimes dans au moins quatres autres églises alentour (plus en réalité, mais elles ne sont pas parvenues dans leur intégralité). Rare est le cas d'une propagation d'un modèle avec une telle fidélité.  Ses caractéristiques sont :

- l'élévation des murs extérieurs de la nef : fenêtre sous grand arc de décharge surmonté d'un triplet.

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- un riche décor de polychromie minérale (au chevet surtout)

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- le fameux massif barlong qui sert de socle à la tour de croisée dont la spécificité, contrairement à une tour lanterne, est d'être à la fois sur la croisée (coupole) et sur  la naissance du transept (demi berceau), massif  qui domine le chevet de sa masse, en en accentuant l'effet d'étagement.

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 voyez les trois fenêtres du massif barlong : la coupole est au centre.

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 Intérieur du massif barlong

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- enfin l'élévation du vaisseau : à deux étages et sans éclairage direct puisque les ouvertures hautes donnent dans une tribune et non sur l'extérieur.

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Or cette élévation, qui offre une grande stabilité puisque les voûtes des tribunes agissent comme des arcs-boutants avant l'heure mais pêche par le manque de lumière directe dans le vaisseau central, est commune aux cinq églises auvergnates évoquées et aux grandes églises de pélerinage sur la route de St Jacques en Galice : Conques, Saint Sernin de Toulouse et la cathédrale de Santiago elle-même! Dans quelle sens l'influence a-t-elle cheminé (c'est le cas de le dire!)? J'ai repris toutes les dates et constaté que Conques était la plus vieille et que les auvergnates les plus récentes. Retournant sur mon propre blog à la page "Conques", je lis ceci, information glanée je ne sais où : "Conques serait à l'origine du modèle", ce que les dates suggéraient en effet. C'était pourtant un peu contre-intuitif car les modèles les plus récents (auvergnats) sont plus sobres, moins ajourés aussi. Conques laisse peu de place au mur, les différentes cellules sont intmimement reliées entre elles par colonnes, moulures et corniches : on est déjà dans une architecture organique dont est issu le gothique. En Auvergne au contraire,  les travées sont peu ou pas soulignées, les ouvertures des tribunes sont séparées par de grandes phases murales sans lien organique, la voûte court sans l'interruption de berceaux, bref on est loin de la squelettarisation de l'espace qui triomphe à la fin du XIIème dans le nord de la France. Bref, une fois de plus je me suis fait avoir, la sobriété n'est pas synonyme d'ancienneté.

Sachant que  Notre Dame du Port de Clermont est une étape sur la route de St Jacques, j'imaginerais bien la séquence suivante : Clermont reprend en toute logique la structure bien rodée des églises de pélerinage (mais augmentée de traits locaux évoqués plus haut), ensuite cette église prestigieuse essaime dans les environs, créant enfin une illusion de modèle auvergnat puisque c'est un phénomène très local en fait.

Une  originalité de St Nectaire enfin : la nef est sur colonnes simples en place de piles composées chez ses consoeurs et c'était le petit truc qui m'avait consciemment échappé et me la faisait paraître un peu différente... Notons enfin que, commencée en 1147, elle est, comme Orcival et St Saturnin, comptemporaine du premier âge gothique en île de France.

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Les chapiteaux du choeur ont gardé pour beaucoup la polychromie médiévale, discrète, loin de l'effet ripolinage d'Issoire et ils contrastent bellement avec la paleur du chaulage. On comprend vraiment ici à quel point ces couleurs  rendent les scènes représentées plus présentes, plus intelligibles.

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Le fameux âne harpiste, qui n'est pas dans le choeur, symboliserait l'ignorance prétentieuse de l'homme, tant il est vain de prétendre glisser des sabots entre les cordes fines. (il y a des ânes qui se débrouillent, j'en suis la preuve !).

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Et je remarque ici une "mise en abyme", plus fréquente à l'époque gothique (mais nous y sommes en fait, même si ce style n'est pas encore arrivé ici...), puisque l'église de St Nectaire elle-même semble représentée sur un chapiteau.

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Une vierge à l'enfant m'impressionne de sobriété et de profondeur. Au XIIème l'enfant n'est pas encore représenté comme un bébé.

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Voulant retrouver les vues de l'église dans le magnifique cadre qui lui sert d'écrin, nous montons au puy de Mazeyres (914 m). Les images parlent d'elles-même...

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IMG_3921Le château de Murol au loin et le massif du  Sancy...

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Mais vous me direz, quel était ce petit projet à réaliser?

Une petite photo, 15 ans après, au même endroit, mangeant du... Saint Nectaire. Fromfrom aux manettes sur la première, Vladimir sur la seconde...

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b

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Commentaires
C
Au fait, j'ai oublié de dire que l'âne qui jouait de la harpe ressemblait quelque peu à celui de Saint-Parize-le-Châtel dans la Nièvre : http://cornusrexpopuli.canalblog.com/archives/2015/11/15/32933364.html
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P
Pas obligée de lire ? Mais c'est que je VEUX lire, d'ailleurs j'ai lu, évidemment !!! Seulement j'y comprends rien. Je te l'accorde c'est pas seulement une question de termes. <br /> <br /> Les images, non tu n'y peux rien ni moi non plus hélas, je crois que mon écran, j'ai beau savoir le régler, se fait vieux...<br /> <br /> Quant à Conques, pas besoin d'images, elles sont dans ma tête, c'est être dedans que je voudrais ! C'est pas pont spatio-temporel qu'il me faut c'est téléportation ! :)
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K
Plume> ah tu veux dire la partie du texte sur l'archi? regarde, à part barlong = rectangulaire, pas un mot compliqué, tu peux t'y mettre, et il y a même des photos et des schéma, même pas obligée de lire... pour l'écran je n'y peux, quand à Conques y'a pont spatio-temporel pour jeter un œil...<br /> <br /> Cornus> J'espère bien que ça sera anthologique ! Reste plus que trouver une photo de From à Loctudy quand elle était encore demoiselle et la boucle sera bouclée...<br /> <br /> Calystee> Oh, mais pas seulement là !!!
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C
Ah ! c'est donc là que nos chemins se croisent ! Rassure-toi, Plume : avant cet été, je ne connaissais pas le "massif barlong" ! Quant au saint-nectaire, j'ai plus de chance que Karagar : je continue à vraiment l'apprécier !
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C
Quelles jolies explications fort intéressantes. Je ne me souvenais plus que les chapiteaux étaient autant colorés (certes moins qu'à Issoire). Je suis retourné voir mes photos d'il y a 10 ans et c'est vrai que les couleurs sont à peu les mêmes que les tiennes, même si tes photos sont meilleures... et le fait d'en faire à des heures un peu opposées, c'est top.<br /> <br /> Quant à la photo fromfromienne et son équivalente vladimirienne, ça va rester anthologique.
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