LA CLOCHE MAUDITE 5

 Pour les oublieux

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• Mais que renifles-tu ainsi, mon homme ?

La marquise avait bien des raisons de s'offusquer. Son comte de mari était à quatre pattes sur le lit dodu, entièrement absorbé dans son activité reniflante, tout à frotter son nez contre oreillers et édredons, couettes et couvertures. Autant dire que sa posture était pour le moins inélégante.

• Ça sent le moisi , conclut-il doctement.

• Et tu as besoin de te livrer à ces indignes galipettes pour en arriver à cette conclusion ! Évidemment que ça sent le moisi. Moi-même, mal ventilée que je suis – mon allergie au bronze qui me reprend – je flaire la chancissure à plein tuyau, que dis-je, ça schlingue la croûte de Saint Nectaire, ça cocotte le parfum cadavérique et monsieur doit coller son nez pour s'en assurer !

• Je devais vérifier. Je n'aime pas les conclusions hâtives et infondées de ces pseudo-savants qui s'arrogent le droit de... Comment ça ton allergie au bronze ?

• Notre passage à Villedieu-les-Poêles, très certainement...

• Et alors ?

• Enfin, Pornus, la fonderie de cloches !

• Mais nous n'y sommes pas allés.

• C'est vrai mais, je m'en souviens pourtant fort bien maintenant, les picotements nasaux ont commencé juste après que le camion est passé.

• Quel camion ?

• Penn pout ac'hanout ! Celui que conduisait Jehan-Marc'hkar, tu n'as pas oublié... Il faudra éclaircir tout ça. Mais en attendant dormons.

• Dans cette odeur de moisi ?

• Tu t'y habitueras. Moi, quand je venais dormir chez tante Honorine pendant les vacances, il y a longtemps, cette odeur régnait déjà. J'y avais même pris goût. J'étais trop contente de pouvoir me fourrer sous l'édredon, pour oublier toutes les histoires terrifiantes dont la tante m'avait abreuvée pendant la soirée, de m'y pelotonner pour ne plus voir la silhouette menaçante du château ruiné ricaner sous la lune...

• Koada, tu va finir par me faire peur ! En tout cas, demain, à la première heure, on décampe ! J'en ai soupé du con fripé de ta vieille tante et du vit faiblard du marquis ! Ça ne m'intéresse pas. Son vœu est exaucé, elle t'a revue une dernière fois, elle peut bien...

• ...Et les ripailles ? J'ai promis de me mettre aux fourneaux ! J'ai justement besoin d'un cobaye qui ne risque plus grand chose pour tester une idée d'amélioration gustative du Paris-Brest et une autre pour rendre plus consistant le Saint Honoré que je trouve un peu trop léger.

• Eh bien, au moins on sait de quoi elle va mourir, ton Honorine.

• Et puis, moi j'aimerais connaître le fin mot de cette histoire pour savoir enfin pourquoi ma mère a dit si souvent : "Honorine a été sauvée du mauvais enfantement car elle écoutait la cloche".

A ce moment, le jingle du mobile de Koada retentit.

• Ça alors ! S'exclama-t-elle, après avoir lu un SMS. Quelle drôle de coïncidence. C'est Jehan-Marc'hkar. Je te lis :

« Ma chère marquise, mon cher comte, grande fête samedi au manoir de Kerc'hazh Biscotto, pour l'inauguration de mes nouvelles cloches. Compte bien sur vous. Pokoù bras. »

Mais le comte n'avait rien entendu. Il avait, devinant l'auteur du message et au mépris du moisi, ramené l'édredon sur ses oreilles et déjà, il ronflait.

Comments

[Cornus]

Moi, de mauvaise foi ? Jamais !

[plumequivole]

Ouuuuuuuuuuuuuuh la mauvaise foi ! :)

[Cornus]

Pourquoi irais-je donc bien défendre le comte ? Non, je constate juste que c'est le moins pire de la couvée.

[karagar]

Plume> oui, ça s'invente pas!

Cornus> Pour quoi défends tu toujours à fond le comte ?!

[Cornus]

Il était en effet indispensable de relire les épisodes précédents, car six mois après, on avait presque oublié.

Je pense que le comte est amateur de champignons, mais de là à renifler à ce point... Malgré tout, je persiste à dire que le comte reste le plus équilibré d'entre tous les autres protagonistes, passés, présents et futurs de cette histoire.

Merci, je m'amuse.