DU JAUNE A L'ORANGE
J’ai découvert la douceur minérale. Douceur pour les yeux mais douceur pour la peau également. La région compte les plus gros « gisements » d’ocre de France, si j’ai bien compris. J’ai vu le premier d’entre eux par le plus grand des hasards. Le couple de randonneurs locaux que j’avais rencontré quelques jours plus tôt m’avait dit : «si vous aimez voir du pays, aller au Colorado ». La destination me semblait un peu lointaine, mais après avoir étudié la carte je me rendis compte qu’il s’agissait d’un site pompeusement dénommé le Colorado provençal et se trouvant dans le secteur de mes explorations. J’imaginais un peu, faisant fi d’un détail que pourtant je n’ignorais pas au sujet du vrai Colorado – à savoir sa couleur – qu’il s’agissait d’une énième gorge calcaire. Je me trompais du tout au tout. Un sentier forestier peu fréquenté de plusieurs kilomètres – le gros de visiteurs stationnaient à l’endroit le plus « fameux » - m’offrit des perspectives diverses sur les formes et les couleurs insolites d’un massif d’ocre.
Dans mes sandales, je sens cette terre qui ressemble à du sable me glisser avec fraîcheur à travers les orteils. Il faut que je touche cette matière.
Le contact est très agréable. Plus tard j'écraserai entre mes mains de l'ocre rouge qui resteront durablement teintées. Je comprends que les hommes l'aient utilisé comme maquillage. Mes mains supportent très mal tout ce qui déssèche, craie, papier journal, même les pages d'un livre. Or là, je ne ressent rien de tout cela. C'est magique.
Et voici un tunnel naturel:
Tout entier à la contemplation des formations minérales, je ne prête guère attention au reste. Mais au bout d'un moment, un sensation très étrange m'envahit, c'est presque une vague inquiétude, comme la sensation d'être suivi par un fantôme, un fantôme familier, mais inattendu. Je regarde autour de moi et je comprends soudain : c'est visuel, c'est olfactif, c'est partout autour de moi et ça ne devrait pas :
Des bruyères, des fougères aigles, des chataîgners, des jasiones ! Serais-je revenu en Bretagne sans m'en rendre compte? Comment ces plantes poussent-elles dans cette région si calcaire que la moindre acidophile mourrait de peur? J'aprendrai plus tard que ces formations d'ocres sont à réaction acide, des îles, une fois de plus!
Le ciel se dégage, c'est le retour du soleil qui fait chanter les ocres, ocre jaune, ocre rouge...
Quelques jours plus tard nous nous rendîmes dans un endroit semblable et plus connu, près du village bien nommé de Roussillon, emmenant Vladimir cette fois qui voulait voir précisément cet endroit qu’évoque dans la pièce « En attendant Godot » un certain personnage répondant au doux nom de… Vladimir. La boucle est bouclée !
Je sais, je suis hors sujet, mais il y a toujours un petit bonus à la fin, et le thème est la couleur, n'est-ce pas?