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EN ALAN AR MEURVOR
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29 novembre 2010

STRANDED IN THE MIDDLE OF... FINISTERE

 

Un matin, alors que le quartier était tout encotonné de neige, ma mère qui détestait la floconneuse – et elle avait à cela deux raisons, d’abord une jeunesse dont le récit était émaillé des détails de sa lutte obstinée contre cet élément hostile alors abondant et mélangé, dans ma mémoire d’enfant peut-être, d’images fulgurantes d’un terrifiant Adol*f H. passant dans sa grosse voiture escortée, ensuite son inclination à détester tout ce qui réjouissait les autres – ma mère donc, pourtant peu portée sur la calambour et voulant signifier que la situation n’était pas rose, s’exclama d’un ton sinistre destiné à plomber l’atmosphère, mais laissant son verbe inconsciemment être influencé par sa vision : ça n’est pas blanc ! Le fou rire général qui s’ensuivit n’était pas, on l’imagine, l’effet escompté.

Qu’il me soit permis d’affirmer, à l’instar de cette phrase qui n’est fameuse que dans ma mémoire, que l’histoire que je vais vous conter n’est guère blanche.

Me voila donc parti samedi matin, baigné par la timide lumière d’un soleil levant hivernal, prometteuse néanmoins d’une journée sereine, au volant de ma Dalmatia, destination la montagne d’Arrée, pour deux jours d’un stage de théâtre animé par No*nonc, sans avoir oublié de préalablement remplir les gamelles du tigre. On a tous dans la tête cette chanson satyrique qui dépeint les monts d’Arrée comme un pays de pionniers aux lacs gelés où les mecs ont une haleine de hareng saur, mais force fut de constater que la neige se mit à tomber abondement à l’endroit exact où la route commence à monter et qui marque depuis toujours pour moi l’entrée dans la « montagne » et je bifurquai à cet endroit pour me rendre à St C. via Saint R. La petite route tournicote entre des bois de sapins déjà tout blancs. Je dois plusieurs fois secouer la tête pour comprendre pourquoi j’ai mis si peu de temps à arriver en Bavière.

Les chutes de neiges cessent peu après mon arrivée et, une éclaircie aidant, la couverture blanche semble vouloir jouer à la peau de chagrin. Vers 18h30 je démarre ma voiture, cap sur la commune de P. et mon ancienne maison où je vais passer la nuit, ce qui ne m’était pas arrivé depuis… ouh ! Au même instant, pe greder pe ne greder ket, le neige recommence à tomber, à gros flocons denses, drus, épais et blancs. Je nous revois, Karreg et moi, nous racontant récemment nos expériences mutuelles de conduite stressante sur les cols pyrénéens pour cause de brouillard, tout en me disant que ce coup ci n’est pas mal non plus. A ce rythme je mets un temps certain à atteindre Combe Ste Anne à huit kilomètres de là. Mais entre temps, les routes ont blanchi à une vitesse prodigieuse. De Combe Ste Anne à mon ancienne maison, une petite route sinueuse qui descend (ouf) sans avoir à traverser le bourg de P. Cette petite route donne sur la place de Combe par une rue étroite et sans trottoirs. Combien de fois ai-je pesté contre ces gens qui traversent au nez et à la barbe des voitures par temps de neige sous prétexte qu’elles roulent au pas, oubliant qu’elles ne freinent plus. Et bien cette fois, alors que je m’engage dans la petite rue, une porte s’ouvre et une adolescente se précipite dans la joie du nouveau manteau blanc. Elle se rétracte juste à temps mais j’ai eu le temps de voir dans son regard l’étonnement qu’une voiture ait pu se trouver là. Et c’est alors qu’une chose que je ne m’explique  pas se produit. Comprenez que j’ai habité là treize ans et que cette petite route je l’ai empruntée des milliers de fois, en voiture, à pied sur certains tronçons mais soudain, incrédule, comme cauchemardant éveillé, je comprends que je suis perdu. Je vois bien que je ne vais pas dans la bonne direction mais j’ignore où je suis, comment je suis arrivé là. Je ne tarde pas à comprendre que la route me ramène au bourg de Combe Ste Anne. Erreur fatale. Le bourg est perché et la route est pentue. Très vite la voiture n’accroche plus. En première vitesse je mesure chaque millimètre gagné, craignant que chacun soit le dernier. La voiture chauffe, pleins de voyants bizarres s’allument (abs, frein à main…). Au bout d’une éternité, j’atteins enfin… mon point de départ. Je fais une pause, j’éteins le moteur et je réfléchis. Mais je n’arrive plus à y voir clair dans ma tête, les itinéraires mille fois parcourus se brouillent, je ne sais plus comment atteindre le Marais des Pies. Passer par Eneour de la Montagne est une option mais la route entre Combe et Eneour est douteuse. Et m’être perdu sur une des routes que j’ai le plus empruntée dans ma vie m’a ôté toute confiance. Et la neige ne cesse de tomber.

J’opte finalement pour un détour par Saint Sauteur en contre bas, espérant que le plateau léonard est moins enneigé. Pari réussi. Il y a certes beaucoup de neige encore, mais la route descend sans trop de remontées. J’ai du mal à m’arrêter au rond point de Saint Sauteur, fais un bisou au trottoir, ai un regard pour le très vieux rhodo ployant sous son manteau blanc (merde, pas d’appareil !), négocie la remontée sur Fondation d’Eguiner, retrouve le raccourci de l’Ermitage de la Table et arrive enfin au Marais des Pies.

Soirée dans mon ancienne maison, en tête à tête avec mon ex-compagne. Discussion nourrie et très ouverte. Elle m’avoue s’être confiée à l’époque à Mikael Cornigell de sa souffrance à ne plus être désirée par un compagnon homo. Et puis, plus délicat, nous avons encore parlé du jardin. Ca doit vous sembler invraisemblable, mais c’est important, pour elle surtout. Cet enfant que nous avons eu – oui, j’ai vraiment eu cette impression ce soir là à en parler – n’empiète plus sur ma vie, mais l’entrave elle. Mais nous ne tournons pas en rond. Elle peut entendre aujourd’hui quantité de choses que j’ai à dire à ce sujet sans crispations. Je dors comme un bébé au côté de mon ex-poêle en faïence vert aquatique, qui est la dernière chose que j’aime encore dans cette maison. A mon réveil il sera éteint… Et la neige tombera toujours !

J’hésite vraiment longtemps à refaire le chemin en sens inverse. Enfin je me décide. Je fais un grand détour pour retrouver Combe Ste Anne, décidant de passer par Eneour de la Montagne, remonter au col du Roc par la grande route, forcément dégagée. Bon calcul. La petite route de St C. est elle aussi praticable (je ne me perds qu’une fois !) et j’arrive au stage avec deux heures et demi de retard.

Ce soir, ayant quitté la montagne d’Arrée, de nouveau les champs sont verts. J’ai l’impression d’être ressorti d’une zone de sortilèges, d’avoir fait un rêve.

Quand j’entre dans la maison, Bibi me lance un drôle de regard qui semble dire : tu en fais une sacré tête, tu n’as pas eu du soleil ce week-end, comme moi ?

 

 

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Commentaires
K
Il neige pratiquement sans discontinuer sur DZ depuis ce matin. Ne te perds pas en rentrant dans le Cap, hihihi !
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C
En lisant hier ton billet, je ne me doutais de ce qui nous attendait cet après-midi et ce soir à Lyon! Plus un bruit dans la rue en bas de chez moi, ce qui est vraiment rarissime!
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C
Une fois, je me suis fait très peur dans la descente de Château-Chinon où je suis parti en luge vers la gauche alors que je braquais à fond vers la droite, au moment où venait une voiture en face. Heureusement, la voiture d'en face a pu accélérer et on ne s'est pas touché de justesse. Et à cet instant, j'ai repris un semblant d'adhérence, et je me suis revenu d'un coup vers la droite. Après ça, je peux te dire que je suis descendu au pas.
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C
Quelle aventure ! Tu n'avais pas déjà l'habitude de conduire sur la neige avant ? Pour moi, en dessous de 15 cm, cela ne m'inquiète pas. Au delà de 30 cm, là c'est autre chose... Bon, maintenant que les voitures ont des pneus plus larges, ça devient coton...
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K
Pas sympa de montrer Nono dans cette tenue par un temps pareil !<br /> <br /> Sinon, l'odyssée dans les Monts, aïe, aïe, aïe, tu m'as fait remonté une sacrée bouffée de souvenirs de mes...20 années à la Grande Colline ! J'en avais le coeur qui faisait boumboum, tiens. La dernière fois, au manoir des Salles, 40 cm et 8 jours sans voir le chasse-neige du Kreiz-Breizh !<br /> <br /> Et sinon encore, contente de voir que les choses se rassérènent avec la dame du Marais des Pies. Comme quoi le temps parfois fait bien les choses.
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