LE MYSTERE D'OXYMOOR (5)

« Tous les invités seront là. » La phrase de Jehan-Marc’hkar trottait sans relâche sous le crâne de Pornus. Il avait maintes fois arpenté le couloir circulaire du dernier étage, celui qui faisait le tour de la tour-lanterne, comme disait le maître des lieux, et desservait toutes les chambres, à l’exception de celle des propriétaires. Il n’avait pas eu de peine à repérer la chambre de Torzh à la brume violacée aux relents de kouign-amann qui faisait un halo étrange devant sa porte. Mais il sentait la présence d’autres occupants. Qui pouvaient-ils être ?

Une salve d’éternuements effroyables le tira de ses réflexions. Cela venait de l’étage d’apparat. Il descendit l’escalier à vis quatre à quatre et, guidé par les déflagrations, arriva dans le bureau de Jehan-Marc’hkar où les femmes s’affairaient autour de Volaskell de Damas. Alors que Koada Fromulus disposait cinq oreillers sous sa tête, Torzh toujours enrubannée de cette brume violacée qui cette fois sentait la sardine, ouvrait avec prévention, de sa main gauche toujours celée aux regards d’un étrange gant turquoise constellé de diamants, une non moins étrange fiole. Sitôt en sortit une vapeur au parfum entêtant. Elle en fit alors inhaler à Volaskell qui, dans l’instant, se sentit mieux.

Devant le regard soupçonneux de Pornus, Torzh se mit en devoir d’expliquer au mécréant.

« Vous ne voyez donc pas, mon cher, que notre pauvre Volaskell était pris d’un de ses accès de lyptus, cette terrible maladie qu’il contracta à renifler de trop près, malgré mes mises en garde, les reliques de Sant Jakez Meur de Kampstered. Seule une préparation à base des feuilles d’un arbre qui ne pousse que dans la grande île de Boréalia, l’Encasdelyptus, vient à bout des crises. »

Pornus n’en pouvait plus de ce nid de superstitions. Il dénicha Jehan-Marc’hkar dans sa cathédrale privée, la langue brulante de questions.

« Ah, Pornus, mon ami, vous tombez bien. Aviez-vous au moins remarqué que j’ai conçu cette église en trompe l’œil ? Il n’y a pas de vrai déambulatoire, c’est juste l’effet de… »

« Assez ! Assez de gros tics, assez de grosdodendrons ! Je veux savoir pourquoi nous sommes là, et qui sont les autres invités. »

« Ah, vous avez entendu du bruit dans les chambres ? L’artiste Bisigounette est là depuis plusieurs semaines, elle n’a rien à voir avec la soirée qui nous attend. Elle est comme qui dirait, en résidence. Elle est peintre, elle portraiture des hommes en train de… comment dire. Mais pourquoi fais-je donc des manières avec vous comte Pornus, j’oubliais votre métier ! Je choisis moi-même les modèles. Quant au prédicateur Sauveur Condom, je l’ai invité à dessein, pour notre soirée en effet. On se s’allie jamais trop les forces de l’au-delà, n’est-ce pas ? Mais c’est un solitaire, peut-être ne quittera-t-il même pas sa chambre. Mais pour tout vous avouer, je compte surtout sur Torzh. Elle m’a assuré, que si l’enjeu en valait la chandelle, comme le jour où elle terrassa la maudite reine Hi-Jan, elle ôtera son gant… »

A la seule évocation du gant de Torzh, Pornus, qui pourtant ne croyait ni à Dieu ni à diable, eut des frissons. Il quitta Jehan-Marc’hkar, rejoignit sa chambre pour se rasséréner avec un verre d’eau de Brouilly.

Comments

[Cornus]

Autrement, le reste est très chouette. Un bien beau roman photo !

[Cornus]

De l'eau de Brouilly ? Il s'agit bien là d'une humiliation supplémentaire pour ce pauvre Pornus. Sachez qu'il ne supporte vraiment que les Beaujolais du nord du vignoble ! Enfin au stade où il en est la pauvre dans ce château de fous, cela fait bien longtemps que ce ne sont plus les doux nactars qui l'intéresse, mais l'alcool pour oublier un aussi abominable spectacle, un piège dans lequel on l'a encore fait tomber.

[karagar]

Kgwn> En effet, j'ai imaginé Oxymoor, et je l'ai vu en vrai, très étrange...

[KarregWenn]

Oh gast, on a de ces fantasmes immobiliers ! Le bureau est vraiment très chouette.