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EN ALAN AR MEURVOR
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20 novembre 2008

TROIS FOIS MINORITAIRE

Qu’est-ce qu’une minorité ? La question n’est certainement pas comptable. On peut en effet constituer à l’infini des groupes humains partageant quelque point commun qui n’appartient pas au plus grand nombre. Le groupe n’a de réalité tangible que si existe un sentiment d’appartenance. Je peux prétendre appartenir à trois groupes humains qualifiés plus ou moins fréquemment, selon le cas, de minorités et qui sont : gauchers, homos, bretonnants. Je les ai cités selon la chronologie de mon « entrée » dans le groupe. Etrangement, celui pour lequel mon sentiment d’appartenance est le plus évident à mes yeux est aussi celui que j’ai choisi sans prédestination et que j’ai rejoint le plus tardivement.

Ma gaucherie, je ne la percevais que comme une caractéristique physiologique moins répandue, au même titre que certains groupes sanguins, ni plus ni moins. Jusqu’au jour où je rencontrai Thomas, à la fac d’Histoire. Il était gaucher comme moi. Il me tint alors presque un discours d’édification militante.  Je me trouvai tout penaud d’avoir méconnu cet aspect des choses, d’avoir mis au compte de mes propres déficiences des maladresses qu’en quelque sorte le monde m’imposait. Au fond, Thomas me disait : le monde n’est pas fait pour toi et tu ne t’en n’es pas rendu compte. Il m’énuméra des problèmes pratiques, me demandant si je ne les rencontrais pas. Et à chaque fois, il faisait mouche. C’est comme si un inconnu avait su mes petits tracas que je ne prenais même pas la peine de confier à quiconque ! Outre que je me trouvai rassuré quant à mes disfonctionnements, je me découvrais appartenir à une minorité insoupçonnée en même temps que m’était donné la première chance de comprendre que les minorités sont faites par la majorité, comme le trou n’est rien sans la matière qui l’environne.

Concernant l’homosexualité, le cheminement fut plutôt inverse, mais menait au même constat. L’idée que les homosexuels partagent des traits de caractères et sont donc potentiellement repérables a souvent cours chez les jeunes au moins et fait qu’on se tient sur ses gardes, qu’on camoufle quelque chose qui, peut-être, était en réalité invisible. Plus tard, je découvrais plus de diversité que d’analogies. Les seuls invariants, une fois de plus, n’avaient pas de causes intrinsèques mais trouvaient leur source dans l’attitude de la majorité face aux homos.

Mais ma plus fulgurante rencontre avec le fait minoritaire est bien antérieure à tout cela, puisque j’étais encore tout gamin, et elle me marqua de manière indélébile bien que je ne fusse pas concerné alors puisqu’il s’agissait de la langue bretonne. Lors d’une promenade à Ploumanac’h, ma mère m’expliqua que le C’H se prononçait, en breton, un peu comme l’allemand CH. Ce fut une révolution dans ma tête. L’allemand était une langue clairement identifiée comme étrangère, sans rapport avec le français et de surcroît placée sur un piédestal par ma mère. Apprendre l’existence d’une autre langue partageant avec un idiome étranger des traits que n’avait pas le français c’était, confusément, découvrir que la France m’avait caché quelque chose. On connaît la suite. Fais-je quelque-chose dans la vie que ma mère n’ait semé en moi, finalement ? Mais c’est un autre sujet ! Pourquoi la langue bretonne est minoritaire ? Certes pas parce qu’il y a moins de bretonnants que de francophones, ni parce qu’on ne la comprend pas à Hazebrouck ou Vierzon, mais parce que la majorité n’intègre pas le bilinguisme comme un composante normale d’un état. Il n’y a pas plus séparatiste que l’état français qui met cette langue, et les autres de même statut, hors de son champs d’intérêt.

Alors la majorité appelle minorité des groupes qu’elle a au fond fabriqués elle-même et fustige le soi-disant communautarisme qui y serait la règle.

Un homme est interrogé à la radio. Il a écrit un livre sur les minorités en France. Je n’entends que quelques bribes de son propos. Suffisamment pour comprendre que son père est africain mais qu’il l’a à peine connu, qu’il a été élevé en France par sa mère, blanche. Il n’est jamais allé en Afrique, seule sa mère lui a lu des contes africains pour qu’il ait quelques miettes de la culture qui était celle de son père. Bien sûr son accent est celui de n’importe quel français de souche.

Mais il a écrit un livre sur les minorités et pour ce faire, il a bien fallu qu’il ait été sensibilisé à cette question. Je devine pourquoi. Il ne connaît que sa mère blanche, ses grands-parents blancs mais il n’est PAS blanc. Un certain regard des autres l’a minorisé, l’a associé à un groupe auquel il n’appartient pas vraiment. Il est noir comme je suis blond et la couleur de sa peau ne renseigne pas plus sur sa culture que la couleur de mes cheveux. Il est de la plus surréaliste des minorités. Au fond, la négritude est plus l’invention des blancs que d’Aimée Césaire.

Les minorités ne sont que des trous dans la majorité, et un trou, ça n’est rien.

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Commentaires
K
Pardon, pardon, récemment elle est passée au stade bihebdromadaire !
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K
Quand à Fromfrom, elle est bisemestrielle...d'un point de vue blogueque, s'entend!
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K
Cornus, tant que tu n'es pas ambisinistre, on te pardonne !
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C
Ceci dit, il faut quand même dire la vérité : on comprend le breton à Hazebrouck ! Et ça, si ce n'est pas de minorité parmi la minorité !!!<br /> <br /> Et en parlant de gaucher, je me demande si je ne suis pas un droitier anormal ou un gaucher contrarié. Fromfrom m'a mis le doute l'autre jour parce que j'ai l'oeil directeur gauche et que j'ai quelques gestes anormaux pour un droitier. Et le premier qui dit que je suis ambisenestre, je le défenestre !
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K
Karagar > O farsal e oan evel-just, dreist-holl p'emaon me ivez o'n'm gannañ gant un destenn ... hir a-walc'h...hihihi !
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