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EN ALAN AR MEURVOR
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17 juin 2008

LES DOIGTS D'EVE (10)

Lui aussi, était près de sa fenêtre. N’étaient-ils d’ailleurs pas tous à proximité d’une fenêtre sur le réel, dans des heures avoisinantes, alors que le rectangle sur la vie électronique s’illuminait de ses mille pixels ? N’étaient-ils pas tous à danser des yeux un ballet, d’un quadrilatère à l’autre, du réel que le soir encotonnait progressivement de nuit, au virtuel qui gagnait en clarté et en séduction à la faveur de l’obscurité ? Oui, tous, les protagonistes de cette histoire, tous les voyeurs inconscients du combat des géants, sortiront de l’ombre un à un, jusqu’au dernier.

Simon, qui de sa fenêtre voyait la mer, raya rageusement la dernière strophe. Insatisfaction totale. Il ne parvenait pas à cette symbiose entre la musique et les mots qu’il désirait, il ne trouvait pas l’alliance des syllabes ayant la force subtile de la poésie et la simplicité qu’on saisit, sans un détour du côté de l’intellect. Le reste de la chanson s’était imposé, sans effort. Peut-être lui plaisait-elle tellement qu’il ne voulait pas vraiment la conclure. Il fit, de dépit, pivoter sa chaise de bureau et se trouva face à son blog. Changement d’univers, changement de langue. Quelle en était la ligne directrice ? Son regard sur les choses, les plus diverses, passées au filtre de ses visions de la vie, de sa représentation de lui-même. Il pouvait y laisser libre cours à ses débordements verbaux, à ses envies d’analyse, à ses désirs baroques, à tout ce que le condensé des chansons lui interdisait. Avant même de savoir quoi écrire, il avait dû paramétrer son blog, choisir dans quelle catégorie il voulait être référencé, par quels mots clés on serait arrivé dans son espace. Il avait parcouru la liste proposée et avait cliqué, sans réfléchir, sur « gay et lesbien ». Il avait réfléchi ensuite. Pourquoi avait-il fait cela ? Son orientation sexuelle avait-elle un quelconque rapport avec ce qu’il allait écrire ? Il avait envie de répondre « non » à cette question d’emblée, intuitivement, sans en être tout à fait sûr. Il dut néanmoins admettre, pour être honnête avec lui-même, qu’il avait fortement désiré – fantasmé ? – que l’essentiel de ses lecteurs fût homo, comme lui. Rester en terrain connu ? Ne pas se frotter à l’altérité ? Faire une rencontre ? Oui, sans doute, le rêve le plus enfoui était celui-là. La quarantaine approchait et si les sites de drague lui avaient fourni leur lots d’amants, plus qu’il n’en avait jamais eu, lui, l’insulaire, fourni son contant d’excitation toujours renouvelée de la conquête ou de la découverte, de la crainte des déconvenues même, il n’approcha pas souvent de garçons avec lesquels il eût envie de passer ne serait-ce qu’une nuit complète. Sans doute avait-il espéré que, grâce au crible de la lecture, s’arrêteraient chez lui des hommes moins pressés, différents des accros de la drague sur toile, dont il était pourtant lui-même.

Alors il se crut obligé d’adopter une thématique collant avec l’entête. Et il ne trouva rien dans son comportement, dans sa façon de vivre qui fût spécifiquement gay, sinon sa sexualité. Il raconta donc ses « plans ». Pas tous, en réalité, uniquement ceux qui lui fournissaient un prétexte, une possibilité d’extrapolation, comme s’il avait toujours eu besoin d’une justification à parler de sexe, comme s’il voulait, hypocritement, à chaque fois, le faire sous le couvert d’un détail qui rehaussait les objectifs narratifs. Il estima qu’il s’en sortait assez bien, qu’il parvenait à chaque occasion à glisser les détails qui satisfaisaient ses penchants à l’exhibition, sans tomber dans la platitude de tous ces textes qu’il avait lus et qui ne semblaient exister que pour accompagner la branlette, et encore, à condition d’être très en manque. Son lectorat fut, fidèlement à ses désirs, homo pour la plupart.

La sonnerie du téléphone interrompit son retour en pensée sur son parcours bloguien. C’était sa mère. Retour à l’hébreu, les nouvelles de la famille, d’Israël, retour à l’enfance, à l’asexualité, retour à ce sentiment doux amère de ce qui vous protège et vous contraint.

A son retour face à l’écran, Simon trouva un nouveau commentaire.  D’Eve. Elle était désolée de n’avoir pu passer lire ses derniers textes, les jours précédents avaient été éprouvants et les suivants promettaient de l’être. Elle rattraperait son retard dès que possible. Elle aimait toujours autant le lire. Fagforever fit suivre une phrase de remerciements. Eve avait été son premier lecteur non homosexuel ayant osé se manifester, commenter. Curieusement, elle posait beaucoup de questions très centrées sur l’homosexualité et c’est à ce moment précis - peut-être à la suite de ses propres lectures des posts d’Eve - qu’il commença à diversifier ses textes et s’attirer un lectorat plus varié, plus bavard, plus intéressant.  C’est aussi à cette période qu’un lecteur commença à lui faire une cour discrète mais assidue. Les échanges dépassèrent le cadre des commentaires. Cela faisait quelques mois qu’ils s’envoyaient régulièrement de longs courriels. Fagforever avait révélé s’appeler Simon, Passager Clandestin, Quentin.

Ce soir là, quand il avait tourné sa chaise vers son ordinateur, il avait espéré un mail, ou un commentaire, en vain. Simon, plus par les mots échangés qu’à cause des quelques photos de Quentin, avait finalement été remué. C’est lui qui avait dit à Quentin : règle numéro 1 du virtuel : ne jamais fantasmer, et voilà que quelque chose l’emportait.

Quentin viendrait-il un jour lui rendre visite sur l’Ile aux Fleurs ?

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Commentaires
K
Klegpariz > C'est peut-être pas fin fin, mais qu'est-ce que c'est drôle !
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K
Kleg> Je ne comprenais pas "l'est de l'est" car j'ignorais ce projet capitalesque, voila!
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K
Bon, alors j'explique, quoique je comprens pas ce qu'il comprend pas. Et alors qu'on ne m'accuse pas de présumer d'un ramollissment du cerveau karagarien, hein !<br /> Colette eo ho prezhoneg ganeoc'h ?<br /> Ouest de l'ouest = Releg (kentel ziwezhan )<br /> Est de l'est = Pariz<br /> Les doigts de pied c'est juste qu'on étatit arrivé aux dixième doigts d'Eve et qu'on attend la suite. Voui, c'est pas fin fin.<br /> Mais j'ai quand même l'impression de causer à Maizena,hihihihi !
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K
Kleg> ???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????<br /> ICH VERSTEHE NICHTS !
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K
Et d'ici qu'elle soit rentrée la Kleg, ici on aura bien attaqué les doigts de pieds !
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