IN ÉIREANN 3 BEN BULBEN
Nous quittons le comté de Mayo sous la pluie et le brouillard. A notre arrivée dans le Sligo, nous faisons une boucle, espérant faire une halte pour aller voir un cairn, où la tradition situe la tombe de la reine Medb (prononcer Maeve, qui veut dire l’ivresse, les bretonnants noteront…) mais le temps nous fait renoncer à notre projet.
Nous prenons donc nos quartiers dans un B&B tenu par une septuagénaire bon pied bon œil, au caractère bien trempé.
La principale raison de notre escale ici est la présence des Dartry Mountains (Sléibhte Dhartraí ) dont le sommet le plus connu est le fameux Benbulben, chanté par Yeats, et que j’avais choisi comme symbole de notre voyage. Ces montagnes tabulaires, façonnées par la glaciation, ont un profil bien différent de ce que l’Irlande nous donne habituellement à voir en matière de relief. Cette montagne, devrais-je dire car c’est en réalité un seul plateau bordé de falaises calcaires mais à la forme très chantournée.
J’ai très vite pensé que c’était assimilable aux tepuys, ces îles aériennes qui émergent de la jungle et me fascinent depuis toujours. L’un d’entre eux a inspiré Conan Doyle pour le Monde perdu et un autre est le site de la plus haute cascade du monde, le Salto Angel.
Le matin, pour laisser le temps au (beau) temps d’arriver, nous envisageons d’aller voir Glencar Waterfall mais, prenant renseignement, je découvre que juste avant d’y arriver, nous passons près de Devil’s Chimney, qui, nous dit-on, si la période est particulièrement arrosée, se transforme en la plus haute cascade d’Irlande, 150 mètres de dégringolade aqueuse quand même. Seules trois voitures peuvent se garer à l’entrée du chemin, d’où, nous dit-on encore, on sait d’emblée si cela vaut le coup de poursuivre ou non. Et en effet, je peux constater avant même de me garer que le diable fait pipi, et bellement pipi. La météo aura au moins un avantage ! Et assez ironiquement, cette cascade ne ressemble à aucune autre en Irlande et rappelle plutôt celles des tropiques. Un petit air de Salto Angel, avec 800 m de moins ! Le chemin qui y mène, nous laisse voir d'autres cascades qui dévalent des hauteurs.
Nous sommes seuls au pied de cette merveille.
Après quoi, la cascade de Glencar, au débit pourtant impressionnant, mais aménagée et propice à la plaie des temps modernes, j’ai nommé les selfies, paraît un peu trop « sage ».
Après quoi, nous envisageons le contournement du massif par le périf est.
Benwiskin.
Et nous nous engageons dans le Gleniff Horseshoe, impressionnant fer à cheval aux falaises noires rabotées par les nuages.
Il est temps d’aller au point de départ de l’ascension de Ben Bulben/Binn Ghulbain. Comme toujours le chemin est large et empierré au départ mais au bout d’un moment, il disparaît et on se demande si on a loupé quelque-chose… En prenant congé, le chemin nous abandonne en plein terrain boggy, sérieusement boggy même, et on a hâte d’atteindre la paroi assez raide avant d’être englouti...
J'ai retrouvé le Youdig perdu.
Au loin, Slieve League/Sliabh Liag, dans le Donegal, la seconde plus haute falaise d'Irlande, dont nous reparlerons.
Enfin, après dîner, temps permettant, nous allons au bord de la mer, près du château de Classiebawn néogothique, qui forme avec le lointain Ben Bulben, un tableau assez incomparable. Le soleil nous offre même un embrasement final ! Ce château était la résidence de Lord Mounbatten et lors de son assassinat par l’Ira, il était dans son bateau dans la baie juste en face.