HARPISTE PERCHE
Les dernières traces matérielles de l'ancienne pièce de théâtre s'étiolent irrémédiablement. Un cube-trône s'en est allé de cap en presqu'île cet été, il y a peu, Plume "recyclait les costumes", que j'aurai peut-être l'occasion de revoir, transformés. Quant à moi, il me restait aussi un "petit" détail à régler, qui traînait depuis deux ans de... confinement dira-t-on. Le hasard (?) fit que ce fut fait cette semaine, dans la "foulée" des costumes.
Il me fallait en effet rendre la "harpe accessoire théâtral" à son propiétaire, un luthier quimpérois, dont la dite petite harpe n'était rien de moins que son coup d'essai, il y a 34 ans. Quand elle était finalement arrivée à la maison, après avoir été gardée quelque temps par un comédien, elle était bien sûr totalement désacordée, ce à quoi il était facile de remédier, mais surtout ses cordes était mortes, elles n'avaient plus beaucoup de son. Je m'étais alors mis en devoir, à défaut de mieux, de l'accorder régulièrement, pour éviter l'effet casserole dans le cas où le comédien, dont c'était l'accesssoire, aurait jugé bon dans son jeu d'en tirer quelques notes éparses - ce qu'il fit d'ailleurs.
C'était une situation un peu bizarre d'accorder cette mini harpe aux cordes nylon alors que ma harpe (cordée métal) était à l'abandon depuis une dizaine d'années, nimbée de poussière et de ma mauvaise conscience. Je ne sais plus très bien comment je me suis décidé à aller au delà de l'accordage et de fil en aiguille à m'y "remettre" suffisamment pour pouvoir y enregistrer un air. Cet air, reprenant une mélodie fredonnée par un comédien durant la pièce, en devint le "générique" de fin. Je pense que personne, sauf à avoir connu l'air en amont, n'a reconnu l'air à une heure d'intervalle dans le spectacle ni donc réalisé ce clin d'oeil dont la symbolique était pour moi assez forte - le jeune page en "volant" cet air, le transmettait de la bouche à la harpe, aux générations futures dont on pouvait espérer qu'elles seraient meilleures. Le jeune comédien devait feindre de jouer simplement la mélodie sur le début de la bande son, alors que la seconde partie était la cloture proprement dite. Pour cette seconde partie, outre les accords, ont été rajouté des effets pour rehausser le manque de "voix" des cordes.
Je l'ai déjà dit, cet épisode m'a remis le pied à l'étrier et j'ai fini par me tourner vers mon véritable instrument fort d'une petite expérience : la technique de jeu avec les ongles (j'ignore tout de la technique normale sur nylon, plus différente qu'on ne peut l'imaginer) fonctionne bien sur le nylon - seul l'harmonisation doit être assez différente - et lui donne un petit son de musique ancienne (ce que j'expérimente maintenant en parallèle sur ma propre harpe nylon). Comme clin d'oeil pour moi même je réenregistrai alors l'air de la pièce sur ma harpe (elle me sert de sonnerie de téléphone). C'est assez instructif : sans aucun effet rajouté, le son est plus riche encore qu'avec la reverb' sur la petite (mais le micro de l'appareil photo sature un peu plus aussi...).
Je prends donc enfin rendez-vous avec le luthier. Quand j'arrive chez lui, il n'est pas là ! Sa femme me dit qu'il est allé chercher la harpe sur mon lieu de travail alors que je m'étais proposé de lui amener chez lui ! Malentendu. Elle m'ouvre donc la caverne d'Ali Baba, entendez l'atelier de lutherie, où plusieurs harpes sont là, à différents stades de fabrication. Elle me demande : tu joues toujours de la harpe? Bêtement, je suis étonné de cette question. Je connais cette femme autrement que comme l'épouse du luthier, elle fait les conférences en breton au musée des Beaux Arts et je ne pensais pas qu'elle avait prêté attention au fait que je jouais de la harpe moi-même. Et là, dans un éclair de lucidité, je lui réponds que j'ai arrêté pendant dix ans, lui dit vaguement pourquoi, et que je m'y suis remis... grâce à cette petite harpe que je viens de déposer dans l'atelier. Curieusement, en lui racontant vite fait cette histoire, je trouve exactement les mots pour décrire ce moment particulier, où, tant que je taquinais cette harpe qui n'était pas mienne, qui était accessoire de théâtre (donc fausse), qui n'était pas appropriée à ma technique, je jouais (comme un enfant) et je ne jouais pas vraiment (de la harpe), bref je m'y remettais sans faire semblant de rien.
Depuis j'ai acheté des micros dans l'idée d'un jour enregistrer des morceaux et de faire des vidéos. Il y a un an je me suis amusé comme coup d'essai technique, à faire une vidéo en reprenant le morceau que j'avais arrangé vite fait sur la "petite harpe" pour la fête anniversaire de Vladimir, filmée à l'endroit même où je l'avais joué pour la fête. Je voulais appréhender les difficultés du montage à partir de plusieurs point de vue. N'ayant pas plusieurs cameramen, le morceau a été enregistré en entier plusieurs fois. La première difficulté est bien sûr le play back (car l'enresgistrement son est fait dans le "home" studio): très difficile de jouer comme soi même! La seconde est de caler au montage le son studio sur l'image des différents films et raccorder pour n'en faire qu'un (d'où le rôle des claps, qu'on a hélas pas fait). Le montage se fait donc sur beaucoup de pistes et mon ordi (il faut que je résoude ce problème) ne suit pas vraiment et le montage se fait un peu à l'aveugle. Enfin, on l'entend bien à la fin, j'ai eu des problèmes de micro (qui heureusement, vu l'investissement, ne se reprodusient plus). Je m'étais dit alors, cette vidéo, je la diffuserai en clin d'oeil quand je rendrai la harpe. Or, voila qui est fait.