A CONTRE COURANT 4 : ISAIE ET LE PILIER
Du jardin aux buis, nous traversons la Dordogne pour nous rendre, non sans avoir goûté à la fraîcheur de l'eau, juste en face, au château de Castelnaud. J'avais évoqué ce château depuis les terrasses de Beynac, son concurrent français. Il occupe une place dominante, bien que moins vertigineuse que celle du précédent, au confluent de la Dordogne et de l'un des ses affluents. Vous reconnaîtrez le site du jardin au loin.
J'en profite pour dire que la région est très forestière et conséquemment, semble peu cultivée. Les parcelles agricoles se concentrent dans la vallée, là où, comme ici même, le fond est large et plat (ce qui est variable selon les endroits). Parmi les cultures marquantes, les champs de noyer. Je suis d'ailleurs surpris de constater qu'ils sont irrigués (1/ alors que parfois très proches du lit de la rivière - ont-ils besoin d'eau? - 2/ l'eau de surface bénéficie-t-elle aux grands arbres?). L'édifice, qu'on atteint lui aussi au travers des rues pentues d'un village qu'il couve, est composite comme souvent et je dois dire que, bien que photogénique, je l'ai trouvé bien moins enthousiasmant que son rival - Vladimir, pourtant du camp adverse, confirme. A cela s'ajoute qu'il abrite un musée de la guerre médiévale, avec une collection importante d'armes d'époque, des explications détaillées, des reproductions fonctionnelles d'armes de jet dans la cour - avec démonstration - et que, malgré toute l'importance de la chose, je peine vraiment à m'intéresser aux machines inventées pour tuer.
Enfin, il y a un jardin médiéval, mais où, de nos jours, n'y a-t-il pas un jardin médiéval. C'est devenu très tendance...
Le lendemain fut décrété journée tranquille. Matinée passée à déflorer un roman presque vierge (mauvais humour), puis petite ballade en quête d'un lieu de baignade, qui nous fait passer au pied d'un énième château perché, assez rigolo.
Le soir, c'était resto pour cèlébrer la fin de notre sejour périgourdin, à Souillac, la ville la plus proche. Et donc, nous arrivons assez tôt pour visiter l'abbatiale.
Cette église, qui n'est pas célébrissime, a pourtant quelques titres de gloire. Son architecture d'abord, puisqu'elle fait partie des quelques églises romanes à coupoles et est sans doute la mieux conservée d'entre elles. C'est donc une nef très large, sous trois coupoles. La largeur du vaisseau rend inutile les bas-côtés et les mur latéraux sont rythmés par un étagement (arcatures aveugles, fenêtres hautes) sans lien avec la structure. A l'inverse de Castelnaud, ça n'est pas photogénique, à mon sens, mais l'intérieur "en vrai" emporte plus que je n'aurais cru. (on fera le lien avec les intérieurs gothiques angevins et poitevins, semblables en proportions - peu verticales - et en structure et dont les voûtes, justement, sont bombées comme des coupoles. Difficile de ne pas voir une filiation... Je n'ai jamais été fan des choeurs romans, et celui-ci est un "bel" exemple de la difficulté à combiner de manière convainquante cul de four et clair-étage (je rappelle que les églises préromanes ont plutôt des fresques ou mosaïques à cet endroit).
L'élément le plus connu de Souillac, c'est son grand portail inachevé, relégué au revers de la façade. Deux éléments remarquables, la statue du prophète Isaïe, dont vous avez dû voir une photo au moins une fois, car c'est une des sculptures les plus connues du monde roman. Et en effet, je trouve que c'est une vision assez typique du "fantasque" roman avant l'assagissement gothique.
Et puis, il y a le pilier (en fait qui aurait dû être le trumeau), qui est une des plus belles compositions architecturo-sculpturale, du genre que seul le Moyen-age sait produire.
La partie qui fait face montre un grouillement d'animaux s'entredévorant, symbole du mal, selon certains...
Les parties latérales sont très différentes, le sacrifice d'Isaac d'un côté,
trois groupes plus mystérieux de l'autre, des scènes tendres?
Sur le "tympan", le diacre Théophile fait un pacte avec le diable...
Il est temps d'aller en ville trouver notre resto. Les halles sont "réquisitionnées" pour faire une terrasse distanciée mais ça n'est pas là que nous irons manger... Je trouve même du poisson, une truite locale !