IWERZHON 1
Nous arrivâmes à Cork, ou du moins au terminal ferry proche de cette ville - que nous ne vîmes pas - par un temps maussade. Du pont du navire, ma première action fut d'estimer la hauteur des nuages. Car, plus que la pluie ou l'absence de soleil, je redoutais ces nuages bas qui masquent le moindre relief. Or les régions que nous nous apprêtions à visiter étaient notoirement montueuses. 30 - 40 mètres fut mon estimation qui n'augurait rien de bon. La journée devait être consacrée à nous rapprocher du Kerry où nous allions séjourner une semaine avec comme escale le petit havre de Baltimore.
Le haltes se firent au gré de nos découvertes. Le port de Kinsale d'abord, assez touristique où nous ne fîmes que quelques pas, histoire de fouler le sol irlandais. Ce fut aussi le premier contact avec les maisons colorées assez emblématiques du pays.
J'avais repéré ensuite la pointe de Old Head, qui me semblait une belle entrée en matière côtière, avec ses falaises et son phare noir et blanc. A notre arrivée, les nuages, toujours présents s'étaient élevés, dégageant la vue. Déjà la route s'engageait sur cette longue et prometteuse avancée mais notre élan fut vite stoppé par une immense grille où se tenait un vigile à qui il semblait qu'on dût montrer patte blanche pour aller au delà. Toute la pointe, phare compris, se trouvait être un terrain de golf ! Terriblement frustrant. Vladimir, naïvement, demande s'il est possible de contourner le terrain privé par un chemin de falaise... En vain. Cette petite mésaventure m'est occasion de préciser qu'en Irlande, il n'y a pas de loi littorale , pas plus quee de sentier côtier et que le doit de passage n'existe pas Nous constaterons à plusieurs reprises qu'il n'est guère possible de baguenauder où bon nous semble sur la falaise. Et contrairement à ce que peuvent laisser croire ces belles étendues vertes qui ondulent, le hors sentier n'est pas si facile sur cette terre où le "bog" nous guette à chaque brin d'herbe.
Quand on ne connaît pas un pays, le premier jour, on croit voir des choses originales, qui s'avéreront être la norme. Ainsi m'étonnai-je que les ruines de l'abbaye de Timoleague (Tigh Molaige), confrérie franciscaine des XIII et XIVème siècles, joliment située en fond d'estuaire, soit un cimetière. Or toutes les ruines d'églises (très, très nombreuses, on y reviendra) sont converties en cimetière. Soudain, le ciel devient bleu.
De la route, en pleine campagne, j'apperçois du coin de l'oeil un grande carcasse qui semble être la ruine d'un château. Ma curiosité est piquée et je repère une (toute) petite route qui semble y mener. Le grand manoir est au milieu d'un pré. Nous bravons les barbelés et malgré des coups de feu répétés et inquiétants dans le voisinage, nous nous approchons de la bâtisse. Je croyais ces clichés destinés à rester ceux d'un manoir sans nom perdu en pleine campagne irlandaise, mais en entrant dans une église à quelques kilomètres de là, j'y trouve une photo du manoir et une notice historique ! C'est Coppinger's Court, construit de manière dispendieuse en 1615 (avec dit-on, une fenêtre pour chaque jour de l'année) par une riche marchand mais attaqué mis à sac en 1641 et jamais reconstruit depuis! Une fois de plus, ce qui me semble particulier (un château délabré au milieu de nulle part) se signalera bientôt comme une constante du paysage.
Plus exceptionnel sans doute, le cromlech de Drombeg, au cercle parfait et aux pierres bien resserrées est un des plus archétypiques que j'aie vus. Le chemin pour s'y rendre est bordé d'une autre constante, les haies de fuscia magellanica, belle chilienne devenue, bien qu'exotique, une des caractéristiques végétales les plus marquantes du paysage rural irlandais. J'ai compris ce qui manque à la Bretagne pour que beaucoup d'espèces qui y poussent pourtant fort bien soient invasives ou frappées de gigantisme, la chose est désormais claire : la pluie !
Petite escale au mini port de Glandore, sur une ria avant d'atteindre Baltimore, cette fois sous un ciel ou le bleu domine vraiment. Ce sera une des seules fois.
Baltimore est la porte d'entrée d'un impressionnant archipel dont l'île la plus proche, Sherkin island, clôt si étroitement la baie que cette dernière ressemble à un lac.
De notre home nous allons à pied jusqu'au détroit qui nous sépare de l'île. A cette endroit s'élève un amer, une très grande soeur de celle de Porzh Teolenn. Dans la lumière du soir, j'ai ma première grande émotion devant un paysage irlandais.
Je garde un souvenir étrange de cet endroit, un peu difficile à recoller avec le reste. Au pied de notre fenêtre, une petite crique abritée, où, jusqu'à une heure tardive, des enfants s'ébrouent.Il y a des petits jardins fleuris devant la baie, c'est très coquet et très doux à l'aune de ce que nous verrons ensuite. Comme c'est sans doute une des première journée de beau temps depuis longtemps, les terrasses des quelques pubs et restaurants sont bondées. Il est plus de neuf heures, je tremblote devant ma bière (nous avions quitté une Bretagne surchauffée !) et je reconnais les irlandais au premier coup d'oeil : pas à leur cheveux roux mais il sont tous en T-shirt!