EN LUSITANIE 1: PORTO
Bien qu'elle donne son nom au pays tout entier et le prête à un breuvage de grande renommée, Porto fait moins rêver que Lisbonne. Pourtant - sont-ce les sortilèges de la toute première vision ? - je la préférai à sa grande soeur du sud. Le Tage à Lisbonne est si large, si parfumé d'effluves marines, que déjà, à mes yeux, ce n'était plus un fleuve. Le Douro lui, qui me sembla si bien nommé, resserré entre des escarpements où s'étage la ville, parcouru d'un courant vigoureux, me plut d'emblée.
Dès l'arrrivée à l'hôtel,
nous fûmes mis dans le bain d'une des plus célèbres particularités de l'architecture portugaise, les azulejos, carreaux de faïence à dominante bleue, ornés de motifs géométriques ou de scènes figuratives mais dont le trait saillant à mes yeux est qu'ils occupent, au dedans ou en dehors, toute la surface murale entre les encadrements ou les pilastres corniers de pierre apparente, en lieu et place d'un enduit. Nous en avions rencontrés à Madère, mais leur présence était anecdotique, alors qu'ici, la faïence envahit les murs des édifices monumentaux comme ceux des habitations. Cela donne un grain de folie à des façades baroques que je trouverais sans ça bien menaçantes.
Dans les rues étroites, je remarque d'étranges écritaux , des immeubles bien décatis parmi les façades pimpantes et aussi des échoppes comme on n'en voit plus: des merceries, des réparateurs de chaises et autres services condamnés par notre société de consommation. Il semble qu'au Portugal, cette évolution là ait été moins rapide et on entend encore, au gré du dédale, des martèlements et autres bruits de petits métiers qu'on aurait cru disparu.
Parmi mes premiers étonnement également, le nombre d'églises. Cette impression sera confirmée dans de petites bourgades, ou même des villages dont la taille n'autoriserait ici qu'une église et qui en comptent souvent au moins deux ou trois. Il y a pléthore de clochers (souvent sortis du même moule) qui exhibent (un peu comme en Bretagne, mais avec plus d'ostentation), leurs cloches. Ca pendouille de partout, avec des jougs que le baroque semble-t-il aimait imposant et chantourné! Un pays de cloche donc, mais une terrible déception m'attend dans ce domaine.
J'avais repèré que l'un des quais le long du fleuve portait le nom de ce cher Gustave Eiffel, et j'en compris très vite la raison. Des ponts nous en vîmes plusieurs de remarquables dans ce pays.
Enfin il y a à Porto, pour bien commencer les vacances, une cathédrale, ici couronnée de goélands saisis par les projecteurs.
Elle est romane tardive avec un berceau brisé qui lui sert de voûte, mais les supports, la présence d'arcs-boutants tendent vers le gothique. Un mélange qui passe inaperçu car le gothique portugais est parfois truffé d'archaïsmes et je verrai une autre cathédrale, plus nettement gothique et voûtée encore en berceau brisé comme une grande église romane bourguignonne. Et même l'exubérante Batalha a d'étonnants archaïsmes. J'y reviendrai.
Le cloître ferme hélas. Vladimir toujours bon négociateur, obtient un coup d'oeil furtif et pour moi une photo. C'est du beau et du bon, de quoi être frustré mais question cloître nous serons comblés par la suite.