D'ALBION EN ALBA 10

Mon cher comte,

Je crois que nous retrouverons la marquise en pleine forme même si le doute a pu nous envahir, les uns comme les autres, à certains moments. Aujourd'hui, alors que nous quittons ces sinistres sommets, le soleil est de retour. Faut-il y voir une signe favorable du destin? En tout cas, à son retour parmi nous, je ne manquerai pas de la remercier d'avoir dû voler à son secours, car c'est l'occasion de tant de découvertes. J'espère ne point vous offusquer mon ami, si je vous dis que j'ai presque l'impression d'être en vacances. Ce jour nous allons découvrir deux monuments dont je connais l'existence depuis si longtemps. Car vous l'avez bien compris, c'est à Durham, excusez du peu, que nous missionne Vita. Depuis l'enfance, la silhouette de ses trois tours carrées, presque menaçantes, m'intrigue. Mais pour nous y rendre, nous remarquons que ce n'est guère nous détourner de notre objectif que d'aller jeter un oeil au mur d'Hadrien, limite nord de l'Empire romain, bâti contre les Pictes, peuple mal connu, peut-être britonique et qui sont les premiers européens à avoir représenter une harpe triangulaire, notre harpe. De là à penser que ce sont eux qui en ont soufflé l'usage aux gaëls, qui en feront ce que l'on sait, il n'y a qu'un pas...

C'est presque étrange de marcher à côté, voire au sommet, de ce mur, que de loin parfois on distingue à peine dans ce pays où tous les champs sont entourés de murets, beaucoup plus maçonnés que ceux du Cap. L'idée d'un mur parait folle, mon esprit saute à la muraille de Chine et puis soudain, je réalise avec effroi, que d'Israël à la frontière mexicaine, le mur d'Hadrien est toujours d'actualité.

La cathédrale de Durham est une des plus grandes église romanes qui se puisse voir. Je ne suis pas un adepte de la grandeur quand il s'agit du roman sauf quand il s'agit du roman normand. Or, la cathédrale de Durham est normande. Dans ce pays, les églises étaient souvent voûtées de bois, voire plafonnées, ce qui n'occasionnait aucun problème de stabilité. Les églises étaient vastes, claires. La structuration des travées annonce le gothique français, ce qui montre bien à quel point cette scantion de l'espace est esthétique et n'est pas liée à l'existence d'une voûtement de pierre! A Durham, le roman normand se paye le luxe de cette monumentalité avec une voûte en pierre. Et  ceci est rendu possible par la croisée d'ogive. C'est l'exemple le plus ancien (1180), précédent de 50 ans  les premiers exemples gothiques français!

Le vaisseau de Durham, autant le dire d'emblée, c'est une merveille inclassable. C'est roman, mais... C'est puissant mais élancé, une plastique murale très rythmée (avec notamment une alternance pile forte pile faible  correspondant à l'existence ou l'absence d'un doubleau, original!). On remarquera le décor de certaines piles, très original aussi. Les photos que je vous envoie, mon ami, sont volées et rares, car il était interdit de photographier dans l'église et l'on était étroitement surveillé.

Le choeur a été agrandi à l'époque gothique en y aujoutant un tau (ce qui donne à cette cathédrale le même plan que l'abbatiale de Fountains).

La cathédrale est célèbre aussi pour sont avant-nef (un peu plus récente).

Ainsi que pour son heurtoir

Nous nous décidons à monter :

En haut de la tour, un vieux monsieur, sans doute un gardien, s'approche de moi.

" Jehan-Marc'har?"

"Lui-même."

"La marquise est détenue à cet endroit."

Et il me tendit une photo.

Nul besoin de faire des recherches. C'était le célébrissime Eilean Donan castle.

"Volaskell, je crains que nous devions aller en Écosse, dis-je à mon ami craignant un signe de mécontentement.

"Chouette, j'adore l'Ecosse", me répondit-il, "j'y ai plein de souvenirs de vacances."

Tout était donc pour le mieux, car moi-même, l'idée me plaisait fort également.

Pas question de quitter Durham sans l'admirer depuis le méandre de la rivière.

Nous revenons à Hign Basket Manor par une autre route qui fait traverser les Pennines. Nous voyons la maison des solitudes et le soleil rasant d'inéffables verdeurs.

Comments

[Cornus]

C'est vrai, je ne connais pas dans la moitié nord de la France, ni dans le centre, ni le sud-est, d'Acer pseudoplatanus ou d'A. platanoides dans de tels contexte (prairie, pâture voire polyculture) ou c'est très rare. Cela arrive parfois avec Acer campestre, mais c'est aussi limité. Ce qui remplace cela en France, selon les régions, c'est le chêne (Quercus robur), le charme, les frênes (Fraxinus excelsior et F. angustifolia et leur hybride), les saules (Salix alba le plus fréquemment), les châtaignier, plus rarement les tilleuls, et les ormes (surtout Ulmus minor) mais qui a presque entièrement disparu en tant qu'arbre. Il y a aussi le cas des fruitiers greffés, en particulier pommiers et poiriers et bien plus rarement cerisiers "grands vents" (hors vergers).

[karagar]

Je ne sais, mais c'est vraiment en Angleterre qu'il la une place dans le paysage qui na pas d'équivalent ds le nord de la France je crois -

En Ecosse, le phénomène, l'arbre qui est absolument partout, c'est le sorbier des oiseaux

[Cornus]

Dans les plaines de la moitié nord de la France, Belgique, Pays-Bas, plusieurs espèces d'érables ne sont pas indigènes. Ma question est de savoir s'il ne le serait pas éventuellement dans les montagnes écossaises (forêts de ravin).

[karagar]

Cornus> L'érable sycomore n'est pas indigène en GB a priori quoique ne venant pas de très loin mais il occupe une place ds les campagnes très proche du chêne en Bretagne (haie, talus etc...) et il est connu qu'il y en a là bas de très gros spécimens.

[Cornus]

Et ton mur d'Hadrien me rappelle le mur dans les Vosges qui séparait Alsace et Lorraine et dont j'avais vu les vestiges à l'occasion d'une session botanique. J'ai vu un truc dans Ouiqui (http://fr.wikipedia.org/wiki/Taennchel) où l'on parle de "mur païen" où l'on discute plusieurs origines...