EN ALAN AR MEURVOR HABASK 4
Ce chemin mène vers la mer toute proche qu’on entend gronder. J’ai souvent eu l’impression au long de ce périple qu’au milieu de tous ces dépaysements, quelque-chose m’avait poursuivi inlassablement : c’était le bruit de l’océan, semblable à s’y méprendre à celui de mon quotidien.
Le chemin est trempé de la saison verte achevée l’avant-veille. Des flaques dans la chaleur qui monte avec le soleil alimentent la moiteur. Quelque-chose passe silencieusement devant moi. C’est notre premier matin et mon regard n’est pas encore affuté à la nouvelle réalité. Je pense oiseau, au vu de sa taille, mais sa forme est étrange. Et quand il ouvre ses ailes, je vois un immense papillon, le morpho bleu. C’est une sorte de choc, de mise à l’échelle. Je m’attends désormais à tout, à tel point que je pousserai un cri de terreur lorsque le chat des proprios viendra boire dans la piscine.
Voici des fourmis attines, véritables défoliantes qui constituent ainsi un substrat pour cultiver un champignon. Une colonie consomme autant par jour qu’un bœuf. Tantôt dites essentielle à l’écologie de la forêt tropicale, tantôt qualifiées de fléau, difficile de se faire une opinion. Un simple coup d'oeil en l'air permet de mesurer leur boulot...
La rencontre suivante, sur ce même chemin fut plus étrange encore (n’oublions pas que le film Jurrassic Parc commence ainsi : sur une île quelque part au large du Costa Rica…). Bon, ça n’est pas un iguanodon, juste un iguane.
Regardez le tronc à droite de ce pré qu’on croirait européen. On surnomme cet arbre le cèdre épineux (en réalité Bombacopsis quinata de la famille des malvacées). Qui s’y frotte…
Enfin nous atteignons la plage. Nous y sommes seuls.
Retour en forêt avec ce figuier étrangleur. Il a besoin de s’enrouler autour d’un tronc pour se charpenter, puis il étouffe et tue son hôte qui, après pourrissement, laissera un grand trou, une sorte de puits, au centre de la structure.
J’ai fait beaucoup de photos d’arbres car nous avons beaucoup traîné nos sabots dans la forêt, dans des forêts diverses devrais-je dire, vous en jugerez. Les feuillages de ces derniers sont souvent invisibles car très haut placés et surtout masqués par toutes les plantes épiphytes qui grouillent sur les troncs. De la même manière si l’œil est enchanté par toutes les formes que la verdure peut prendre dans ces sous bois, il n’y voit pas de fleurs ; elles aussi, qu’elles soient de lianes ou d’arbres sont hors d’accès du regard, mais le « vert » prend néanmoins assez de formes, de nuances et de textures pour vous occuper !
Ici je croyais avoir affaire à de petits palmiers mais il s’agit en réalité de graminées (des cannes) !
Quand on croit avoir vu la feuille d’un arbre, il faut y regarder à plusieurs fois pour s’en assurer et bien souvent ça n’est pas la sienne mais celle d’un de ses hôtes. C’est pourquoi j’ai été plus souvent attiré par les hauts fûts et plus encore de l’architecture incomparable, les arabesques que ne renierait pas le livre de Kells, que formes les contreforts et les racines qui maintiennent, telle une cathédrale gothique, ces géants à la croissance rapide. Vous en verrez beaucoup d’images tout au long de ces pages consacrées au Costa Rica, jusqu’à que, croyant pourtant avoir tout vu en la matière, nous rencontrions l’Arbre, le seul, l’unique, le vénérable auquel je consacrerai un article plus tard.
Enfin, une rencontre tonitruante en forêt : les singes capucins. La plus intelligente dit-on des espèces du pays. Et il est vrai que j’observai l’un d’entre eux utiliser une pierre comme outil après avoir échoué à casser une amande contre le tronc d’un arbre. A les regarder évoluer ainsi, en bande, on croit déjà voir en gestation les qualités et les défauts de l’être humain : intelligence, débrouillardise, sociabilité, nuisance sonore, manque de discrétion, esprit bagarreur, brutalité pour l’environnement.