TRES VIEILLE CATHEDRALE
Toute cette histoire compliquée a commencé il y a longtemps, j’entends avant la période estivale, alors que nous devisions, Vladimir et moi, de ce que seraient nos vacances ; du moins cette période de vacances commune qui se résumait aux vingt premiers jours d’août. Nous ignorions alors que nous aurions par le plus grand des hasards la même date de reprise, le 22. Comment aurait-il pu savoir que la pièce dans laquelle il jouerait à Avignon, le vo*yage d’Al*ice en Sui*sse, remporterait un prix important qui lui ouvrirait une scène parisienne pendant un mois, à partir du 22 août et écourterait d’autant ses vacances.
Nous envisagions alors de prolonger notre absence de Bretagne en partant directement d’Avignon. Mais cela nous obligeait à traîner les décors avec nous tout ce temps. Pas très commode. Et puis l’envie de profiter de notre maison prit aussi le dessus. Bref, il fut décidé de partager la poire en deux : 10 jours à la maison (et donc décaler les allemands qui venaient garder Bistouri), et 10 jours… où au fait ces 10 jours ?
Toutes sortes de projets ont défilé, bateau sur le canal de Nantes à Brest (prix de location rédhibitoires), destination lointaine sur une promo de dernier moment… nous n’arrivions pas à nous convaincre. Et puis un jour, alors que l’arrivée de mes sœurs était annoncée, me souvenant que celles-ci ne restaient guère en Bretagne au-delà du 15 août, je suggérai : et si nous demandions à ma sœur de nous prêter son appartement en front de mer sur la côte nord de la Bretagne ? L’idée séduisit aussitôt Vladimir et ce qui fut dit fut fait.
Vraies et courtes vacances donc, sans théâtre, sans jardinage ni tronçonnage, sans allemands ni famille, vraies vacances surtout car j’allais là où j’ai passé toutes mes vacances d’été jusqu’à l’âge adulte. C’est dire si j’avais des choses à montrer à Vladimir.
Il était même prévu que nous fassions une escale en chemin. J’avais vaguement l’idée de faire l’ascension du plus haut phare du monde, sur son île minuscule, mais au dernier moment on annonce du crachin sur le Finistère Nord et un radieux soleil dans le Morbihan. Eh bien qu’à cela ne tienne, l’escale sera détour, et voila tout. C’est ainsi que nous partîmes vers le sud pour rejoindre le nord. Pique nique ici:
Photos de la chapelle que Cornus avait boudée en son temps. L’après midi, à défaut du plus grand phare, bain sur la plus grande plage gaie de Bretagne ! Quoi symbole phallique ? Eh bien, vous allez être servi.
Car voyez-vous, cette fameuse plage qui n’a au demeurant rien de particulier si ce n’est, pour les capistes que nous sommes, son eau chaude, chaude, mais chaude, est fort peu distante d’un endroit qui a son homonyme en Egypte et qui fourmille de pierres levées. D’ailleurs, sur la route même de la plage, nous en croisons déjà un premier et modeste parking mégalithique.
Vladimir-en-vacances-en-Bretagne,
ayant oublié de mettre ses lentilles, est soudain très myope, voyez-vous, et devinant toutes ces choses dressées, se méprend quelque peu et s’écrie :
There are beautiful men here! (Je souligne pour aider, hein!)
Karagar-en-vacances-en-Bretagne s’engage dans les backrooms
, et finit par trouve un very very beautiful !
Ca vous en bouche un coin, hein, si j'ose m'exprimer ainsi!
Plus sérieusement, en soirée, alors que nous partions à la recherche d’un restaurant, nous passons devant les panneaux indiquant la direction des célèbres alignements. J’ai dû les voir il y a 20 ans sans en garder un souvenir marquant, Vladimir aussi leur avait rendu visite en il y en a 30. Les sites mondialement connus en plein été, ça ne m’inspire que de la crainte. Mais là soudain, à huit heures du soir, soleil déclinant et lumière incomparable de l’après 15 août, je me dis que l’occasion est peut-être venue…
Et ce fut effectivement un rendez-vous, longtemps manqué. Il n’y a presque plus personne, les pierres sont rehaussées des ors du soir et serties sans l’améthyste des bruyères. Des milliers de pierres pointent le ciel sur plus d’un kilomètre et je suis soudain pris fortement par cette conscience de me trouver face à une des choses les plus folles dont ait été capable l’homme d’autant que la monumentalité de ces choses là, celles qui essayent de transcender notre pauvre existence terrestre, qui est aussi celle des vaisseaux gothiques, touche bien d’autrement que celle dont s’habillent arcs de triomphe et autres palais impériaux.