LE VIEUX FUSIL
Des rebelles afghans paradant devant les cadavres des soldats français, Famas au bras. J’ai entendu cette description à plusieurs reprises, seulement cette fois la prise de guerre était nommée : le fusil de l’armée française Famas. Mon esprit est resté tournoyer autour de ce nom comme un insecte se cogne indéfiniment contre la lampe fatale. Il me semblait tellement incongru qu’il puisse m’évoquer quelque chose, une image, inconcevable qu’un lien, même des plus ténus, puisse me rattacher à cet infâme objet. Et pourtant je le voyais distinctement encore, sa forme, sa taille. Petit à petit, les détails me revenaient, parcellaires, puis se regroupaient de manière cohérente. Le nom même de ce fusil me glaçait le sang, il fallait que je me rappelle pourquoi. C’était clair maintenant, alors que la boule du couchant jouait avec la silhouette du clocher de Pont-Croix. Le canon est ainsi profilé que la balle sort en tournant sur elle-même. Lorsqu’elle atteint le corps, au lieu de le traverser sans bavures, de tuer net, elle parcourt l’organisme avant de ressortir et, avec un peu de chance, ne touche aucun organe vital. Elle laisse alors le soldat à terre dans des souffrances atroces. Il me restait à me remémorer la raison d’une telle charcuterie. Ah oui ! Il vaut mieux gravement blesser que tuer. Un homme, par compassion, s’occupera toujours d’un congénère à terre, même condamné, alors qu’on laisse un mort. Un Famas immobilise deux personnes d’un coup et retarde plus efficacement l’ennemi.
Ils en étaient fiers, de leur Famas.