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EN ALAN AR MEURVOR
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4 décembre 2007

CUMHA

Je t’avais fait une promesse, il y a bien longtemps de cela. Et tu peux voir aujourd’hui que j’ai tenu parole. Je t’avais promis de ne rien oublier de ces choses que l’on peine à dire et même à écrire. Je t’avais promis de ne pas donner prise aux abrasions du temps et de venir t’en témoigner un jour, à toi, qui vis dans ma mémoire. Je suis venu te dire que tu vis encore, intact, et que ta vitalité m’est souffrance.

Au commencement tu étais comme les autres, t’en souviens tu ? Tu nous croyais d’une autre espèce. Tu nous croyais faits pour ce que nous étions, tels les poissons qui ne jalousent pas la marche des animaux terrestres ni l’envol des goélands. Tu voyais notre esprit à l’image de notre corps, émoussé. Avouons que la plupart d’entre nous donne le change. Ils se sont fait les moines que l’habit contraint laissait accroire. Ils ont, à feindre l’harmonie, donné à  la résignation de plus supportables atours.

Mais la caresse du vent sur la peau est la même. Le parfum de l’herbe coupée sème toujours la tempête des émotions dans mon cœur. Je suis comme Bisousig, le chat d’Abeozen, qui n’a rien oublié des ébullitions du sang. Mais j’en laisse si peu paraître, je ne desserre pas l’étau auquel le regard des autres m’oblige. Comme si le carcan du corps n’était assez grande souffrance qu’il faille aussi taire les désirs désormais inassouvis.

Et puis un jour tu as eu une intuition.  Tu as su que tu ne pourrais jamais devenir sérieux, que tu ne pourrais jamais rien faire qui ne te paraisse un jeu. Ce jour là tu as commencé à comprendre que seul l’habit changeait.

Et puis un jour tu as eu la certitude, tu as précocement fait tomber nos masques de la comédie humaine. Ta marginalité t’y a aidé. Tu es allé traîner là où trainaient d’autres garçons et très vite, tu nous a vus, en nombre, dans les mêmes errances que les tiennes, pris des mêmes désirs que les tiens, tenaillés de pulsions aussi implacables. Mais tellement plus difficiles à satisfaire. Les homosexuels ont moins de secrets les uns vis-à-vis des autres que les hétérosexuels, bien des choses leur sont plus intelligibles de leur destinée. Ils sont des miroirs les uns pour les autres et c’est pourquoi, à trop se reconnaître, leur viennent, parfois, des bouffées de haine vis-à-vis de leurs semblables. Certains nous rejetaient, nous déniaient le droit d’être là. Pas toi. Tu avais la mémoire de ton propre futur. Tu comprenais déjà et tu mettais à l’occasion, les autres face à leur intolérance.

Grâce à toi, je n’ai rien oublié, ni du vent sur la peau, ni du parfum de l’herbe, ni du sang bouillonnant à la vue des jolis garçons.

Ah qu’il me plairait encore de courir à travers la pelouse comme un dément pour saluer le retour de printemps ! Mais les douleurs articulaires m’en gâteraient le plaisir, de même que la simple idée qu’on puisse, que vous puissiez me trouver risible.

Ah quelle ivresse de pouvoir encore goûter au corps d’un beau gars. J’ai de l’argent. Je pourrais payer quelqu’un pour cela. Mais je m’y refuse. Pas au nom de quelque principe. Mais la simple idée qu’il se force me gâterait mon plaisir qui était aussi d’en donner.

Tu vois, mon petit, j’ai traversé tous les âges et tes questions sur le corps et l’esprit, que celui que tu as aimé plus que quiconque t’encourageait à réconcilier, ces questions, je ne les ai point résorbées. Mon corps part en lambeaux mais ton esprit, tes sensations, tes envies je les ai conservés, intacts.

Hélas, mon pauvre petit, tu es vieux.

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Commentaires
K
Très troublante cette phrase : "Tu avais la mémoire de ton propre futur." Et très fort ce texte.
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K
Krid> Pardon, le message était adressé à Kleger!
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K
Je ne me couche pas juste après le dernier passage sur le blog... Et quand bien-même je le ferais, ça m'est vivement conseillé car je n'ai pas la chance d'avoir une excellente santé comme toi, cher Karagar :-)!
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K
Kred> Attention au marmotting human syndrom (MHS)
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K
Krid> Cherche en gaèlique écossais...
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