LIGNES DE FUITES
La mouche
Connaissez-vous cette petite mouche habilement peinte à l’avant scène du tableau, petite coquetterie de virtuosité placée là dans un semblant d’inadvertance et qui donne toute sa profondeur à la peinture ? Avez-vous jamais vu ces carrelages bicolores dont usent et abusent les peintres médiévaux tardifs pour suggérer une perspective qu’ils peinent à faire naître à l’œil par des artifices plus adéquats ?
J’ai vu la mouche tout à l’heure, se poser, imprévue, au premier plan de ma vie, sur mon aujourd’hui, toute de noir vêtue, comme hier et avant-hier, comme dans les lointains de l’arrière plan brumeux. J’étais face à la mouche et j’avais le vertige de ma propre ascension, c’était comme si celle ci se réveillait après un long coma des profondeurs hyperboliques du révolu et me regardait d’un œil égaré. C’était comme vouloir parler à un piéton de la fenêtre d’un train à grande vitesse. J’étais comme encombré du piédestal de mon présent.
Dauphins
Mais à d’autres moments, à l’inverse, on peut voir dans le sillage du bateau, les dauphins accomplir des sauts magnifiques et vous accompagner de loin en loin, et pousser vers l’île. Ce sont des phrases lancées d’entrée de jeu sous la carène de bois d’un sanctuaire cornouaillais qui sonnent comme une brise d’ouest sur l’herbe rase et me rappellent un des petits coup de pouce dont je suis le plus fier. Le soir, ce sont des geysers insoupçonnés qui perforent le magma, dont le carcan décidément s’étiole de plus en plus, et, observant ce corps réclamant son du de sons et de mouvements, je me vois aussi fidèlement qu’en un miroir, à quelques courtes encablures de temps de là.
Les lignes de fuites ascendantes ne sont pas vertigineuses.