LE MANOIR
Notre ballade aux falaises noires, l’autre jour, nous amena tout naturellement aux abords du «manoir» et ça n’était point là le fruit d’une coïncidence. De cette bâtisse j’entends causer depuis une bonne vingtaine d’années, modernisme, technologie, œuvres d’art, squat, vols, déprédations, sectes, les thèmes de discussions sont variés et romanesques. Et bien sûr, Plume nous l’avait déjà présentée.
La coïncidence – car il y en eut une – fut que le jour même un article de journal paraissait sur la demeure, objet d’un imbroglio judiciaire (voire criminel) digne des romans policiers les plus tordus, qu’un un jugement à venir devait momentanément conclure. Il y avait donc presque foule à visiter, dont une connaissance. La prétendante au trône octogénaire est tapie dans la maison du gardien, un «voisin» fait mine d’engueuler les visiteurs indélicats pour mieux leur tenir la jambe, les abreuvant de l’histoire rocambolesque du bâtiment, dont on peine à croire la moitié. (Je passe sur les soupçons de meurtre, les opportunités d’occire la vieille en la poussant de la falaise – et l’endroit s’y prête bien, voir photo du «gouffre», deux posts plus bas).
Le bâtiment, entièrement en béton habillé de plaques de granit froidement taillées, est construit par un architecte suisse ou italien, je ne sais plus, pour un miliardaire bigouden (forcément!). Il reprend des motifs architecturaux traditionnels bretons (hameau et sa chapelle, cheminées, entrée d’enclos religieux, vasque de Daoulas…) en en réinterprétant les formes et des motifs ornementaux irlandais (sculptures et entrelacs). En le voyant, me revient une nouvelle fantastique que m’avait racontée ma sœur dans mon jeune âge (elle m’abreuvait de ce genre d’histoires), où quelqu’un est piégé par une maison hautement sécurisée qui l’enferme comme en un tombeau. Or, une demi-heure plus tard, le voisin, dans son flux logorrhéique, nous raconte la même histoire comme étant réellement arrivée à des avocats ou autres huissiers visitant le «manoir». Troublant.
L’endroit est féérique, surtout dans ce pâle soleil vespéral. Le bâtiment, attire et répousse à la fois. Il y a de vraies belles trouvailles formelles qui peuvent évoquer l’expérience des «Seizh breur» et quelque chose d’inhumain à la fois.
La croix est vraiment saisissante.