LE DERNIER SECRET DU MONDE
Alors que je n’évoque pratiquement jamais des faits dits d’actualité dans ces colonnes, ni ne l’ai fait dans le passé, quand ce même blog était plus bavard et moins imagé que de nos jours, j’ai eu envie dès que j’en ai eu vent, d’évoquer une information entendue à la radio. Elle m’a plongé dans un état étrange, proche du vertige. Il s’agit de l’éventuelle découverte d’un groupe humain d’environ deux cents personnes en Amazonie et qui n’aurait jamais eu de contact avec… et déjà le choix des mots me fait mesurer l’étrangeté de ce que je vais dire : le reste des hommes. J’ai pris quelques précautions oratoires car, après quelques « recherches » en ligne, j’ai trouvé des gens pour dire que la chose est impossible et relève du fantasme. Il est assez attristant d’imaginer que cette Terre, qui il y a peu recelait encore tant d’inconnu, ne comporterait aujourd’hui pas le moindre mètre carré qui résistât au cadastre des satellites, au kardo et au decumanus de la connaissance. Et alors, si je me perds un peu à rêver à leur existence, à ces deux cents rescapés d’un autre temps dont nous ne sommes sortis à l’échelle de notre propre histoire que depuis quelques secondes, la tête me tourne. Comment conçoivent-ils le monde, qu’imaginent-ils être ces oiseaux de fer qu’ils ne manquent sans doute pas de voir zébrer leur ciel, quels sont ces choses qu’ils partagent avec nous sans le moindre échange du seul fait de leur humanité, tels ces éléments d’architecture, que l’on retrouve de l’Indonésie à l’Amérique précolombienne en passant par l’Europe, ces invariants que des hommes lointains ont inventés pareillement sans se consulter… Si la chose est avérée, que faire ? Eviter artificiellement tout contact, car parait-il, des échanges microbiens pourraient les anéantir, et ce serait alors l’invention d’une chose nouvelle et bizarre, l’emprisonnement à l’insu des prisonniers. A défaut, combien de temps encore durera ce bel isolement, avant qu’ils ne se heurtent à ceux qui saignent les arbres géants et n’hésiteraient peut-être pas à saigner leurs semblables s’ils les entravaient ? Il suffit d’y penser un peu pour que les questions affluent mais je m’arrête ici. Je me contenterai de demeurer dans cet état songeur, avec l’esprit un peu vague comme un regard qu’on n’arrive pas à concentrer sur quoi que ce soit.
Et puis forcément, c’est une passion enfantine qui remonte à la surface, une fascination mêlée de terreur (quoi de plus excitant) : l’Amazone… j’aimerais tant naviguer sur l’Amazone en en suivre chaque méandre…