Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
EN ALAN AR MEURVOR
EN ALAN AR MEURVOR
Publicité
Derniers commentaires
Archives
9 décembre 2009

PAUVRE PETIT BONHOMME

Je suis en train de prendre un de mes rares bains de l’année que je me suis sans doute accordé pour célébrer en douceur aqueuse une journée au jardin, chichement concédée par un fugace retrait de la pluie et des vents. Je suis dans la nonchalance de l’attente, Vladimir travaille à Quimper et moi, je suis à la maison, une manière de négatif photographique de la vie habituelle. Le téléphone sonne, je bondis hors de l’eau, traverse et inonde le plancher de la mezzanine pour rejoindre la chambre. Je peux difficilement me résoudre à laisser un téléphone sonner.

C’est un appel au secours. On me demande de venir sans trop s’embarrasser des circonvolutions d’usage de la politesse. A cela j’en reconnais le caractère pressant. Je trouverai plus tard un message sur le portable, puis un message via Internet. C’était la troisième tentative. « Je suis perdu, » me dit-on.

La voix au bout du fil, tente de justifier sa requête, d’une étrange manière : « Un jour tu m’avais dit que comme tu es homo, certains hétéros font appel à toi, pour ce genre de choses. » J’ai souri intérieurement, malgré le ton dramatique de mon interlocuteur. Et j’ai tourné l’argument dans ma tête. J’ai finalement compris que c’était là un effet de cette pudeur toute masculine dont il me sembla être ce soir plus que jamais l’incarnation. Ma prétendue aptitude à lui prêter mon oreille était une raison sans doute plus facile à invoquer que le désir de parler à un ami.

Je parcours alors une trentaine de kilomètres pour trouver le complice d’une relation d’ordinaire joviale et légère, épuisé de trois nuits sans sommeils et de deux jours sans pouvoir avaler un morceau. La face sombre dévoilée sans ambages. Une face sombre que nous avons et cachons tous mais qui me semble atteindre là une extension insoupçonnée.

En arguant de mon homosexualité au fond, il avait en quelque sorte mis la clef en tête de portée, il m’avait imposé une posture dont je ne parviens pas vraiment à me défaire. J’entends bien qu’il n’aurait pas parlé ainsi à une femme. Pas plus à un mec. Le statut qu’il me donne lui permet de lever la carapace. De se montrer fragile. Pauvres petits bonhommes encore malades aujourd’hui de modèles imposés.

Je lui rappelle les phrases de bravades que le l’ai souvent entendu proférer. Du vent, confie-t-il, avant de se lancer dans une phrase que beaucoup de personnes aimeraient entendre de ceux qui les aiment. Dommage que ce soit moi en soit témoin.

Les hommes en détresse ressemblent tant à des petits garçons qui promettent de mieux faire comme un écolier à sa maîtresse.

Il me dit cent choses mais je devine aisément qu’une seule d’entre elles le met en cet état.

Moi, dont le corps, autrefois, a eu si mal des paroles impossibles, je n’ai qu’un évangile et je ne peux que le brandir de nouveau : parle !

« Pose la question qui te mine. »

« Je ne veux pas paraître inquisiteur. »

« Je ne vois pas un inquisiteur, mais quelqu’un qui souffre. Pose la question parce que la réponse t’importe au plus haut point, c’est une bonne raison, non ? »

Le soir même, je reçois un courriel. Il a posé la question et la réponse fut celle qu’il espérait entendre.

Le lendemain, la porte de mon bureau s’ouvre furtivement et c’est la tête de celle qu’on questionna qui apparait, et me lance «  merci » avant de disparaitre aussitôt.

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Loin de moi l'idée que le copain avait bien auguré des capacités d'écoute de Karagar en fonction de son homosexualité, j'imagine aussi qu'il lui faisait confiance par rapport à ses qualités humaines, bien sûr. Mais je rebondissais surtout sur ce que le copain avait dit à Karagar en préalable au téléphone : "Un jour tu m’avais dit que comme tu es homo, certains hétéros font appel à toi, pour ce genre de choses." et puis aussi sur le passage "J’entends bien qu’il n’aurait pas parlé ainsi à une femme. Pas plus à un mec. Le statut qu’il me donne lui permet de lever la carapace. De se montrer fragile."<br /> <br /> Ca ne veut pas dire par là que les homos sont des psychologues extraordinaires, mais c'est effectivement ce regard (qui se trompe quelquefois, je veux bien en convenir) qu'on porte sur nous, à la fois "potes" masculins et "douceur" féminine qui fait qu'on suscite peut-être plus facilement les confidences. Personnellement, je n'en retire aucune gloriole : bien souvent dans ces occasions-là il m'est arrivé aussi de me planter en donnant mes "bons conseils" (pas toujours, tout de même...) et d'en avoir marre (quelquefois) d'être un déversoir à larmes, parce que le statut de confident est un peu beaucoup usant, aussi. Un stéréotype, en effet, dont je me passerais bien !
Répondre
K
Cornus> Utilitariste? Comme tu y vas! Il est vrai qu'à l'issue, mal de crâne et coup de fatigue intense.<br /> Lancelot> Je comprends la rction de Karreg et en même temps, je ressens très bien ce que tu veux dire. Je suis obligé de constater que depuis que j'assume et ne cache plus je me sens libéré d'un certain self-control<br /> La bain, bien vu! J'y vais de ce pas.
Répondre
K
oui, ça doit être ça.
Répondre
K
Krgwn> Le titre? Ah ?! C'est ce que je trouve le plus fidèle à mon ressenti dans cette histoire. Mais mon ressenti te gène peut-être...
Répondre
K
Kargwn> Bon, je réponds sur la note, pas sur le comm. Je ne vois pas où gène peut se nicher dans ce que tu affirmes et que je partage. Disons que le garçon dont je parle utilise (pour lui-même) - et encore une fois c'est ainsi que je l'ai ressenti, je ne théorise pas - le fait que le confesseur est homo en se référant à une réprésentation qu'il en a et qui obéit peut-être à un stéréotype. Moi perso, je ne sais pas si le fait que je sois homo soit à mettre en relation avec tel ou trait de caractère et je m'en fous assez. Donc stérotype peut-être, mais la question n'était pas où est le stéréotype ouù n'est-il pas, mais victime ou pas. Et j'ai eu l'impression qu'il était victime d'un modèle de comportement masculin profondément intégré, alors que je ne me sens pas obligé par le/les modèles d'homo dans mes comportements.
Répondre
Publicité