MON ETE PREFERE
Je peine un peu à écrire sur ce blog. Et pourtant, chaque journée apporte son lot d’émotions dont la moindre d’entre elles aurait suffi, il y a peu, à me faire écrire un long post. C’est sans doute que l’écriture ne suit plus le tempo de la vie, c’est sans doute que l’écriture se fait moins nécessaire. C’est sans doute peut-être aussi que la plénitude n’est point faite d’une succession de matières à jolies anecdotes, c’est un état, dont la description se résumerait à un ennuyeux leitmotiv.
Néanmoins il faut le dire, le noter, au risque, à défaut, que la conscience n’en vienne, bien plus tard, que sous l’habit d’un fulgurant souvenir. Il faut le dire, car au fond, que la chose soit si palpable n’est qu’une rare occurrence, il faut dire à quel point et d’une façon qui me semble sans véritable précédent, le bonheur m’embrasse de ses bras puissant, ne me quitte plus d’une semelle et on prononcerait bien ces jours ci un faustien « temps arrête-roi ».
J’aime chaque jour de plus en plus ce petit coin de terre qu’avec une rapidité déconcertante, j’intègre, je fais mien. Son étroitesse me ravit. On s’y love comme en son coin favori de la maison. Ici, en place de murs, c’est la mer qui enserre, l’océan aux lazulis translucide, la baie magique au nord.
J’aime cet été précoce, qui rend tout paradisiaque. Qui pourrait croire qu’à l’heure où j’écris, par la fenêtre de ma vigie, dans cette terre de vents, je ne vois pas la moindre brindille osciller, pas la moindre feuille. La Bretagne est terre de soleils. Les veilles bâtisses de granit renaissent dans un éclat fabuleux sous l’azur. Quand le soleil daigne briller, l’été des confins d’occident n’a pas d’égal.
C’est mon premier été depuis longtemps. Mon enfermement urbain avait aboli les ballets atmosphériques. Les étés précédents furent obscurcis des affres de la grande mutation. Mes passages dans le midi ne comblaient pas mes envies d’étés nordiques. Je retrouve depuis deux jours des émerveillements ensevelis.
Au paradis, Vladimir ne passa que vingt heures. Vingt petites heures intenses, à l’image de cette étreinte, à minuit, devant la gare de Quimper, où nous oubliâmes la discrétion coutumière et attirâmes bien des regards. La plage à nous seul dans le soleil du matin, Porzh Loubous écumant de fleurs, nos corps fougueusement enlacés dans le pli de la nuit et la chaleur de l’après midi. Mon amour pour lui aussi, est au zénith.
Et puis il y eut ce jeune garçon de presque onze ans qui passa cinq jours à la maison de bois et éveilla presque une fibre que je ne croyais pas avoir. J’ai aimé son intelligence, son parler direct, son sens de l’observation, son obsession de la musique. J’ai aimé retrouver, intacts, à le voir vivre, le petit garçon que j’ai été. Rien de son comportement ne m’agaçait. Au contraire, il me semblait, au souvenir de l’enfant que je fus et duquel je ne m’estime guère différent, comprendre toutes ses envies, ses joies, ses frustrations. Sa présence m’offrit ce cadeau de pouvoir imaginer, retrouver, le bonheur de l’enfance ici, dans cette maison.
En venant ici je croyais que tout rentrerait dans l’ordre. Je me trompais. L’ordre ancien est largement dépassé. C’est bien mieux que je ne l’imaginais.