LE RIDEAU TOMBE
Il y a belle lurette que les rideaux ne se lèvent ni ne tombent plus sur les scènes des théâtres, sauf peut-être dans le théâtre de boulevard, comme on nous en retransmet parfois et dont cinq minutent suffisent à nous faire éteindre le poste...
En tout cas, le noir fut fait dimanche sur la dernière représentation de notre pièce, clôturant un parcours de cinq ans pour ma part, un an de moins pour le reste de l'équipe auquel je décompte le temps de l 'écriture.
Il est triste que le spectacle s'arrête prématurément mais heureux que la dernière ait eu lieu en un endroit cher, dans de très bonnes conditions d'accueil et techniques, dans un théâtre qui a du charme et qu'elle ait été reçu par le public avec un enthousiasme évident. Finir dans de telles conditions et sur une réussite relègue la nostalgie au second plan.
Pourtant il y eu des larmes, pas forcément là où on les attendait. Une chanteuses notamment, pourtant beaucoup moins impliquée dans l'ensemble de l'aventure, était inconsolable.
J'ai dit cinq ans, mais c'est bien plus en fait, si l'on considère le parcours de l'idée première, tel le vers dans le fruit, mais un bon vers, qui fait sa galerie dans la tête durant de longues années.
Je l'ai sans doute déjà évoqué mais j'en suis toujours étonné. Alors que je n'ai jamais rien "programmé" dans ma vie, ni eu la moindre préoccupation qui s'apparente de près ou de loin à un "plan de carrière", j'ai eu un jour la ferme intention d'écrire des pièces de théâtre et de les monter et je me suis mis consciemment dans la situation pour que cela arrive, notamment en proposant cette pièce sur la construction de la cathédrale en lieu et place d'une simple lecture. Je n'avais pas écrit une ligne de la pièce ni n'avais le cinquième des comédiens qu'il me fallait, ni jamais rien mis en scène, bref c'était, au choix, hardi ou présomptueux... Qu'est ce qui fait qu'à un moment on croit à sa capacité de faire quelque chose qu'aucune expérience passée ne peut étayer? Je ne sais pas ce que valait le spectacle mais je sais par contre que j'ai gagné des points en crédibilité dans le sens où ça s'est fait en un temps record malgré les 16 comédiens à gérer alors qu'au même moment - le hasard a voulu cela - une troupe amateur plus expérimentée s'enlisait et ne put finalement pas présenter le spectacle prévu pour le même festival.
Mais le plus étrange quand j'y pense, c'est que dès cette époque très précoce, j'avais en tête la pièce qui vient de se terminer. Pas tant dans le propos que dans le style, la forme, l'époque historique. Les images me viennent souvent avant le propos...
Forcément, aujourd'hui, repenser à cette idée lointaine et improbable réalisée m'est chose assez étrange et encourgeante à la fois... incitaiton à des rêves encore plus fous?
Tiens, puisque je parle d'images et de folie, j'ai une idée encore plus folle en tête, c'est d'en faire un film. Pas du théâtre filmé, un vrai film. Avec les moyens du bord bien sûr et un peu plus que ça quand même. J'ai beau n'avoir aucune compétence pour ça, les choses déjà, se forme doucement dans la tête. Et puis il y a un truc qui me fait rêver plus que tout, ça ne suffit pas pour faire un film valable, je sais, c'est de repérer les endroits. Pas "en gros", mais au pli de chemin près...
Ça plus la prochaine pièce, le futur roman, et je passe les soucis harpistiques, le jardin... ça fait beaucoup mais je sais que c'est un luxe qui n'est pas donné à tous de courir toujours après quelque chose dans la vie. Jamais je n'avais mesuré autant qu'aujourd'hui cette chance que j'ai.
Un des comédiens nous a fait savoir qu'il avait décidé d'arrêter le théâtre pour se sentir complètement en retraite. Il le savait mais n'avait pas dit que dimanche, ce serait ses dernières planches. C'est un peu un "pilier" de la compagnie qu'on perd...
En tout cas, depuis hier, et avant de penser sérieusement à toutes ces choses, je me sens en vacances, un genre de vacances que je n'ai pas eu depuis 4 ans...
Quelques photos pour conclure... celles qui ne sont pas de moi (les belles) sont d'Hen*ri Ca*mus.