EUSA 3
Pendant la nuit, le vent avait tourné et forci. Il amena même la pluie avec lui et il était à craindre que le dimanche ne fût pas aussi serein pour nos deux cyclistes. Et puis, le ciel se déchira au moment même où nous apprêtions à quitter notre gîte et s'il y eut des averses, ce fut lors de nos moments muséographiques, en tout cas nous passâmes entre les gouttes. Mais la mer avait changé de couleur et d'apparence. Le vent aussi et les grains menaçants galopant sur l'horizon avaient donné à la lumière une tonalité bien différente de celle de la veille. Il y avait dans l'air une ambiance incontestablement irlandaise.
Cap à l'ouest donc, avec en ligne de mire, une fois de plus le phare du Créac'h.
Avant de retourner au musée des phares (installé dans l'ancienne centrale électrique qui fournissait le courant aux installations du phare et à l'île entière, au point que les activités ménagères liées à l'électricité - lessive, repassage - étaient tributaires de la nuit et de la brume), nous admirons l'océan rocheux qui entoure la tour zébrée.
Le musée est assez riche, et je ne prend pas le temps de tout lire, ni de regarder tous les films - bien qu'intéressé - car l'appel de la nature est trop fort.
Voici quelques pièces que je connaissais déjà:
Sans doute la plus précieuse à mes yeux : la première lentille à échelons, mise au point par Augustin Fresnel et installée au phare de Cordouan. Cette invention a révolutionné l'éclairage maritime dans le monde entier. Le principe est toujours d'actualité bien que les lentilles modernes soient en verre moulé, moins encombrantes et beaucoup moins belles aussi.
Très vite la technique du cristal taillé permet de se passer des miroirs et la lentille enserre entièrement la lampe, venant récupérer la lumière en tout point pour la concentrer. Ces assemblages de cristal et de laiton sont de vrais bijoux... de plusieurs tonnes.
Voici l'ancienne optique du phare du Créac'h lui-même (ancienne lanterne)
... Et, un autre trésor, l'ancienne optique d'Ar Maen, avant son automatisation.
Avant cette invention, on utilisait des réflecteurs paraboliques tournant, dans lesquels s'inséraient des lampes à pétrole.
Lampes qui pour donner plus de puissance lumineuse (mais assez peu au final) possédaient une myriade de mèches concentriques.
Voici des ampoules électriques. La seconde, une lampe à arc électrique, équipait le Créac'h il fut un temps, faisant de lui le plus puissant phare de tous les temps (par pitié pour le sommeil des îliens on a rabaissé sa puissance depuis).
C'est l'heure du pique-nique. Et nous décidons de déjeuner à la pointe de Pern, ce qui fera de nous les mangeurs les plus occidentaux de Bretagne et donc de France. Seul le phare de Nividig est plus à l'ouest mais il est inhabité.
Mais c'est une autre idée que j'ai en tête. Il y a 25 ans, je m'y rends pour la première fois et j'y vois les plus grosses vagues de ma vie. J'en ai vu bien d'autres depuis mais à l'époque je suis peu coutumier de l'océan et je suis fasciné. En outre, il y a là une des mes élèves, assise seule à contempler les murs d'eau et qui me dit que cela ressemble à ses cauchemars... J'ai l'espoir que la magie se réitère alors que j''ai mon chasseur de vagues à la main et je suis exhaucé plus que je n 'osais l'espérer.
Nous nous rendons ensuite à l'écomusée du Niou (le plus ancien de France), une demeure traditionnelle ouessantine dont l'une des deux maisons a entièrement brûlé il y a quelques années lors de péripéties qui avaient défrayé la chronique et m'avaient... complètement échappé ! La dame qui vend les tickets n'est autre que notre logeuse et je comprends que je connaissais son visage car je l'avais vu à la télé dans un reportage sur l'île.
Par hasard, je visite la maison en même temps qu'un célèbre compositeur de musiques de film qui réside dans le coin.
Les meubles, essentiellement en bois d'épaves sont peints pour cacher l'origine hétérogène du bois et du coup... c'est pimpant !
Pas question de partir sans un salut à la Jument. Nous reprenons nos vélo...
Pas de Jument ! Si au chapitre suivant "bonus ".
Et il est temps de reprendre le navire. Nous serions bien restés quelques jours de plus...