Auf der einen oder der anderen Seite des Rhein11: TREVES 1 : LIEBFRAUENKIRCHE
Nous retournons en Allemagne, mais bien plus au nord, ce qui nous fait traverser la Lorraine et retrouver la Moselle avec laquelle j'avais fait connaissance au tout début de ce périple, à Metz. Nous avons juste le temps, à la faveur d'un pique-nique, d'appercevoir son cours sinueux et encaissé qui se déroule ainsi sur des kilomètres et des kilomètres. Non loin une impressionnante carrière entame le flanc rouge de la vallée.
Trèves est une ville archéologiquement très riche et ancienne, puisqu'elle fut fondée par les romains comme capitale de la Gaule Belgique et fut bien plus que cela à la fin de l'Empire Romain.
L'un des ces vestiges est célébrissime et nous le verrons la prochaine fois.
Car ce qui nous amène à Trèves, on s'en sera douté, n'est pas l'histoire romaine, mais bien, pour changer, l'histoire de l'architecture gothique. Car, voyez-vous, se trouve en cette ville une église assez unique et qui occupait une place prestigieuse dans mon panthéon personnel d'églises à voir.
Je suis tombé sur les premières photos de cette église il y a bien longtemps et je n'en crus pas mes yeux. Elle était la réalisation d'une sorte de fantasme que j'avais, un rêve adolescent: une église à quatre choeurs !
Le propos était sans doute différent en réalité, il s'agissait d'édifier une église à plan centré. On sait que ces "églises rondes", dont nous avons deux exemplaires en Bretagne, sont plutôt l'apanage de l'art roman ou même de périodes antérieures et la Liebfrauenkirche est le seul exemple, au moins d'une telle ampleur et complexité, que je connaisse de style gothique (nous en reparlerons à Cologne).
La rotondité est une alternative au plan basilical rarement choisie en dehors de l'art byzantin, car moins propice sans doute à la liturgie chrétienne et au rassemblement de masse. Mais, si la basilique romaine - elle même issue d'un modèle grec - devient vite le modèle de base pour les églises, quelques autres monuments prestigieux comme la mausolée de Constance et le saint Sépulcre, voire le Panthéon lui-même, exercent une fascination et le plan centré réapparaît de temps à autre. Nous aurons deux autres occasions d'y revenir !
Le comble de l'ironie est que dans cette même ville où s'élève le plus célèbre - et rare- exemple d'une église ronde gothique, se trouve aussi le plus complet exemplaire (très restitué) d'une basilique romaine, à l'origine du plan habituel des églises!
D'un point de vue architectural, l'origine de cette église est l'art champenois . Dans cette église construite entre 1235 et 1260 le style de Reims et Toul est très présent. C'est une des premières églises gothiques d'Allemagne où ce style est introduite très tardivement (Canterbury 1170!) mais contrairement aux autre exemples précoces de gothique allemand, ici l'architecture est purement gothique, totalement maîtrisée, avec même virtuosité.
Cette église c'est une idée. Un pari mathématique, une systématisation. L'organisation des retombées est très savante, la répartition des piliers forts et faibles aussi, ces derniers dégageant la vue indispensable pour saisir la continuité de cette espace magique.
La disposition particulière des absidioles (qui ne s'accrochent pas à un déambulatoire circulaire, car l'église ronde est.... carrée!) a sa source dans la superbe église de Braine (Saint Yved) dont voici le plan :
Je me suis amusé, avec un logiciel, à mettre une seconde abside inversée à la place de la nef et j'ai obtenu... le plan de Trèves !
Saint Yved de Braine trafiquée. Liebfrauenkirche - Trèves.
Notons que de Braine, elle a aussi la tour lanterne, qui rapprochait Braine de Laon.
L'extérieur, point désagréable, ne laisse pourtant pas présager du choc intérieur, sauf peut-être la belle abside, toute en rigueur et retenue.
Le porche ouest, inspiré des cathédrales françaises de l'âge classique, en a la monumentalité. Je retrouve dans son style ce qui me charme à Chartres, Reims, Amiens, Bourges et qui disparaît quand arrive la gracilité.
Je dois avouer que depuis que je la connais livresquement, quelque chose me déplaisait dans cette église, en gâtait à mes yeux, je dirais, la quasi perfection de conception. C'est une église à deux niveaux, les bas-côtés montent très haut et leurs toitures prennent appui sur le mur du haut vaisseau. C'est pourquoi les parties droites des baies sont toutes murées. Les rond-points des transepts ont eux aussi des fenêtres aveugles, non pour des raisons techniques cette fois, mais pour garder la suprématie au choeur liturgique. Mon rêve eut été de la vitrer au maximum des possibilités, à l'instar d'une Sainte Chapelle ou d'un chapter house anglais et peut-être en cela aurais-je trahi l'idée de départ, qui mise dans doute plus sur l'oppositon du plein et du vide que sur l'évidement au maximum.
Car tout cela n'est que conjecture, en effet dès que j'ai mis le pied dans cette église, ma tête s'est mise à tourner et à tourner encore, comme pris dans un mouvement perpétuel architectural. Bref, vous l'aurez compris, mes objections m'étaient plus de mise, j'étais ravi et je peux dire que du panthéon des églises à voir absolument, elle est allègrement passée au panthéon des grands intérieurs gothiques que j'ai pu voir. Et bien sûr les photos ne rendent pas l'impression particulière que fait cette église sans axe évident.
Pour ne rien gâter, un cloître la jouxte dont voici quelques images. Ne vous méprenez pas, la grosse église que vous apercevez n'est pas la notre, mais la cathédrale qui communique avec elle !