LES NOMS AU JARDIN
Je prends soudain conscience que le plaisir du jardin est, au delà de bien des aspects qui le constituent - beauté des végétaux, botanique, structuration de l'espace, etc. - un amusement tout enfantin à imaginer des mondes miniatures. Je me revois parcourir le jardin de mon enfance - 750 m2, donc grand pour la banlieue parisienne - à vélo, imaginant à chaque tournant, une nouvelle contrée, une autre géographie. Cette géographie justement, s'installe dans la tête, se fixe à force d'imaginer les mêmes choses et avec elle, arrivent les noms. De ceux qu'on ne confie pas, qui restent pour soi même. Ils existent d'autres noms, plus officiels, que la maisonnée partage. "La grande allée, la grande pelouse, la petite pelouse, la rocaille, l'allée du garage, la tonnelle, devant la maison..." Rien de bien original, ni d'onirique dans tout ça.
Dans le second jardin, il y avait les noms descriptifs : "le jardin jaune, le verger, la colline", d'autres, en anglais faisaient allégeance aux grands modèles : "rhododendrons dale, purple point", un massif pouvait même montrer une ambition démesurée comme "le japon", il y avait même "l'hôpital" où les rhodos étaient en convalescence ! D'autres encore, comme le "jardin blanc", annonçaient un projet qui ne se réaliserait jamais. Enfin, ce n'était pas sans un sourire que je me rendais dans la "forêt" où les jeunes arbres couraient à bout de souffle derrière leur réputation prématurée. Mais aujourd'hui, les feuille mortes ont tué l'herbe et fait de l'humus, l'ombre des branches a anéanti les arbustes et la forêt mérite déjà son nom.
Je rêve de faire du nouveau jardin un joli plan. Avec des noms dessus. Pour les allées et les massifs, les zones différentes. Et je me rends compte que je n'aurais pas assez de noms pour tout compléter, loin s'en faut. Les noms qui s'imposent dans le langage quotidien manquent souvent de cette fantaisie qui a pourtant présidé à la création des espaces, celle des petits mondes miniatures. Il y a les noms ancestraux, comme Park Pontig, les biens établis comme le "jardin médiéval", devenu depuis un lapsus de Vladimir, la "cité médiévale" - tellement surdimensionné qu'il nous amuse de le réutiliser -, il y a ceux que je n'utilise qu'entre moi et moi, comme "krugell ar geoteier" tellement plus évocateur du vent dans les herbes que le "tertre des graminées", il y a aussi le radical "death valley", la vallée de la mort, qui malgré l'effroi qu'il pourrait causer, est resté dans l'usage.
Mais combien à créer encore!
J'ai fini aujourd'hui mon passage secret, entièrement dallé, qui est aussi un col. Le breton "ode" donne bien l'idée des deux. Mais le col de quoi? Ah que de nuits blanches en perspective !
Sinon, comme j'ai opté pour l'immodestie, je compte bien vendredi entamer le deuxième tranche de Babylone !