IWERZHON 13
JOURNEES CAPITALES
Achill Island Dublin, cela équivaut à peu près à couper l'Irlande en deux par sa moitié. Un peu de route donc mais une bonne portion d'autoroute et deux escales, assez proches.
La première fut pour l'église- cathédrale de Clonfert, qui se tient à la place de l'abbatiale fondée au VIème par Brendan lui-même. Encore lui! L'édifice est surtout connu pour son portail roman, réputé le plus beau d'Irlande. On peut s'amuser à y déceler les influences de l'art roman dans certaines de ses déclinaisons françaises tout en constatant une forme de patte irlandaise, en lien avec les traditions sculpturales et ornementales antérieures.
En tout cas, après avoir tant visité d'églises dans ma vie, je vois pour la première fois, l'autenthique chat-piteau.
Non loin de là, mais encore faut-il trouver la route, se trouve le célèbre monastère de Clonmacnoise, un des sites religieux les plus prestigieux d'Irlande en son temps. Le site est joliment situé sur les rives du Shannon.
On y trouve une fois de plus un éparpillement de petites églises et autres bâtiments, dont deux tours.
Mais la célébrité du lieu tient surtout à ses deux croix hautes, dont la croix des saintes écritures, une des plus richement sculptées du pays. Pour des raisons évidentes de conservation, les originaux sont dans un musée avec d'autres plaques sculptées provenant du site, alors que des reproductions se trouvent à leur emplacement d'origine.
Ça, c'est pour notre costumière...
Le soir nous arrivons à Dublin.
Une journée et deux soirées, c'est trop peu pour découvrir une capitale mais disons que ce qui frappe d'emblée à Dublin, c'est sa (petite) taille. Une capitale à taille humaine, lit-on parfois, eh bien c'est un bon résumé. On passe facilement d'un quartier à l'autre, d'une ambiance à l'autre. Je peux dire aussi que nous nous y sommes tout de suite très bien senti. Il y a des pubs très célèbres à Dublin, qui sont des incontournables touristiques, notamment dans la rue au fou nom de "Temple bar", mais nous avions eu la chance d'avoir quelques adresses "hors circuit", entre autres de ce pub où nous prîmes un "cheese and ham taosty" pour notre midi. Un pub feutré ou l'on parle à voix basse. Dans un coin une table est occupée par trois hommes d'un âge certain, dont on sent rien qu'à les voirs qu'ils ont ici leur marques, leurs habitudes et dont je n'aurais pas été étonné qu'ils eussent également leur chaise. On s'attend à voir à Dublin des personnages et ceux là, pour le coup en étaient. Le hasard voulu que nous retournâmes dans ce pub pour un thé. Nos vieux étaient toujours là, mais leur cercle s'était grandement élargi. Un club de philosophie?
On est en 2016, donc on commémorait le centième anniversaire de l'insurrection de 1916 (qui fut dublinoise), qui conduira quelques années plus tard à l'indépendance, avec une grande attention portée à la langue gaélique. Qu'en est-il cent ans après?
Dublin n'est pas réputée très belle. J'ai trouvé le jugement sévère.
Même sans monument éblouissant, le style géorgien - anglais -, présent dans beaucoup de quartier, donne une certaine unité de style.
C'est dans une de ces maisons géorgiennes que vécut Oscar Wilde.
La brique est en tout état de cause un facteur d'unité.
Il y a à Dublin deux cathédrales, Christ Church, anglicane et tellement refaite au XIXème qu'on ne sait pas s'il y reste une seule pierre du Moyen-âge...
Et la cathédrale Saint Patrick, bien sûr, qui a le statut de cathédrale nationale.
Même si on y repère plus facilement la griffe médiévale (et anglaise !), c'est aussi un édifice (à l'extérieur en particulier) très restauré. Le choeur a quelques grâces mais je ne suis pas transcendé.
Ceci est le parlement. Alors que je le prenais en photo (pas pour sa beauté architecturale vous l'aurez deviné), le vigile nous apostropha : "C'est notre parlement !" Avec dans la voix la même fierté que si c'était un nouvel acquis. La discussion s'engage. Alors que Vladimir lui explique où nous habitons, quelle n'est pas ma surprise d'entendre le policier lui demander s'il parle breton ! Je ris sous cape. Mais on me dénonce ! D'ailleurs, notre interlocuteur n'est pas long à remarquer que pour un hexagonal, Vladimir a un foutu accent londonien. Obligé d'avouer ! Petit échange consensuel sur Cromwell s'ensuit. Il nous conseille de revenir le lendemain matin pour visiter. (ce que nous ne ferons pas) On y voit des chose intéressantes, selon lui. Notamment, le lieu ou fut accueilli Kennedy. Première visite d'un président américain. Reconnaissance du jeune pays. Depuis, tous les futurs présidents américains ont dû, pour faire bonne figure, se trouver un ancêtre irlandais. Et ils en ont tous un, Obama compris. Le seul qui n'en ait pas, c'est Trump. Notre flic y voit un signe de bonne augure.
Le second soir nous allons écouter de la musique dans un pub qui était sur notre liste d'adresse, bien loin du centre ville. Pour y aller, nous passons près de l'ancienne distillerie des whiskey Jameson.
Si vous étiez Hercule Poirot, vous diriez qu'il y a un trou dans notre emploi du temps. Et vous auriez raison. Un moment de notre journée fut consacré à Trinity College, l'université historique de Dublin.
C'est là qu'on peut voire le livre de Kells, que certains considèrent comme le plus beau livre du monde.
Certes, l'essentiel est constitué de panneaux d'explications et de photographies, mais dans la dernière salle, il est là, sous sa vitrine, ouvert à une page choisie parmi toutes celles qu'il contient. C'est assez stupéfiant de constater de visu la taille minime des détails ornés (la question d'un grossissement optique éventuel est posée par les historiens) et aussi la force des coloris. Et puis, pour moi, le sentiment de côtoyer un mythe.
Enfin... deux! Car ensuite nous allons dans la library, célèbre bibliothèque contenant des livres particulièrement rares. Sa longue salle dont la partie basse date du XVIIIème siècle fait 65 mètres de long.
Et au milieu, toute petite, il y a une cage de verre. J'ai les larmes aux yeux en m'en approchant tant l'émotion est grande. Dans la cage se trouve la harpe dite de Brian Boru, la plus ancienne harpe gaélique conservée, que je soupçonne être le plus vieil instrument européen conservé en état. C'est le symbole de la nation irlandaise, celle dont la silhouette est sur tous les euros irlandais et en bien d'autres lieux... et dont j'ai vu et touché bien des reproductions plus ou moins fidèles. C'est le plus ancien représentant d'une famille de harpes spécifiques au monde gaélique et bien différentes des harpes continentales contemporaines.