IWERZHON 8
THE CLIFFS
La région des Burren est assez riche en vestiges divers, préhistoriques et médiévaux notamment. Sur la route de Moher, nous faisons une halte à Kilfenora (cill c'est l'église en toponymie gaélique, d'où l'abondance des noms en kill), la cité des sept croix. Il n'en reste en réalité que cinq (trois complètes) et l'existence de sept n'est peut-être que légendaire. Bien qu'à l'extérieur à l'origine, elle sont aujourd'hui conservées dans le transept de la cathédrale. Cathédrale, vous avez bien lu. J'ai vu beaucoup de vestiges de cathédrales qui auraient tenu dans ma cuisine !
L'édifice est du XII-XIIIème et l'étrange fenêtre semble un modèle commun en Irlande à cette époque car j'en vis plusieurs à l'avenant.
La plus décorée des croix est Doorty Cross, du XIIème aussi. Visez les oreilles de l'évêque! (un classique aussi en Irlande). Les ornements celto-viking qu'on voit le long du fût se sont perpétués au long des siècles sans se modifier beaucoup. Ces sculptures pourraient avoir 300 ans de plus que je ne le verrais pas!
La dernière croix est toujours en place, au milieu d'un pré et bien gardée par des veaux qui nous ont fait une haie d'honneur.
Nous filons ensuite sur Moher.
En fait, j'ai fini par comprendre quelque-chose qui m'échappait jusque là. Quand les guides disent "inaccessible hors parking", il faut comprendre "à ceux qui ne veulent pas faire plus de 200 m à pied" ! Or j'avais dès le début résolu de longer la totalité des cliffs of Moher (7 kilomètres seulement, mais 14 A/R) et les parkings en bout de parcours sont à 2€ par voiture. Tout à fait raisonnable. J'en profite pour étendre le sujet à toutes les mises en garde que nous avons pu lire concernant les divers chemins et sentiers que nous avons empruntés. A les en croire, nous nous exposions toujours à d'innommables difficultés et même dangers. En réalité, aucune des randonnées que nous avons faites ne nous sembla difficile. L'Irlandais serait-il couard?
Bref, après avoir longuement cheminé et profité des falaises parmi un nombre tout à fait raisonnable de promeneurs, nous finissons fatalement par rejoindre le "visitor centre", énorme blockhaus engazonné pour le rendre invisible. Et là, c'est l'horreur totale, ça grouille, c'est balisé, cimenté, encadré, barriéré, tout juste si on ne vous dit pas vers où regarder. Et j'imagine volontiers qu'après s'être fait dévaliser au parking, quand on arrive là, les falaises de Moher ont beau être imposantes et impressionnantes, leur grandeur en prend un coup. La célébrité tue les sites. Au retour, je me suis imaginé une façon très savante et scientifique (ethnographie des temps modernes?) de cartographier la baisse de la densité des touristes à mesure qu'on s'éloigne du "visitor centre" et que le ciment disparaît de la surface des allées...
Alors ces falaises? Évidemment c'est impressionnant, c'est un sorte d'archétype, Etretat en noir (et en beaucoup plus haut !) Bien que proches des Burrens, elles sont en ardoise - dont il y a des carrières en arrière. Et je voulais voir ça depuis gamin. Mais je dirais que les perspectives changent peu, que tout du long, on voit un peu le même paysage. J'aime les côtes plus chantournées, plus fantaisistes. D'une façon ou d'une autre, elles sont fidèles aux cartes postales, un peu trop proches de l'idée qu'on s'en faisait. Mais bon, après ce bémol, marcher des heures à la frange de ce précipice, laisse quand même quelques bons souvenirs!
Nous vîmes à peine les île d'Aran, pourtant juste devant nous, à cause de la brume.