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EN ALAN AR MEURVOR
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11 décembre 2014

LA CLOCHE MAUDITE (FINAL)

 

fromJehan-Marc’hkar se releva péniblement de l’estourbissement que lui avait causé la poigne de fer du comte.

- Eh bien ! C’est à cela qu’on reconnaît les amis. Je m’apprêtais à voler au secours de la marquise, me semble-t-il, et me voila bellement récompensé. Cela m’apprendra à être trop bon.

- Je ne sais comment me faire pardonner, dit Pornus, bon bougre, mais vous entendre évoquer la marquise en une situation si… insoutenable avec une telle légèreté, ça m’a rendu fou.

- Non, c’est ma faute, pour un bon mot je risquerais de me mettre tous mes amis à dos, c’est une mauvaise manie que j’ai là.

Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre en pleurant.

- Bon, dit Torzh excédée, avec le temps qu’on y met là, le fantôme du marquis, il a intérêt à être endurant, sinon, on doit s’ennuyer ferme dans la crypte…

Mais en voyant les yeux fulminants de Pornus elle s’arrêta net. Courageuse, mais pas téméraire, la Torzh. Jehan-Marc’hkar reprit sur un ton docte :

- Une crypte, une crypte, ça m’étonnerait fortement. Les cryptes sont rares en Armorique, encore que Kernitron de Lanmeur, non loin d’ici vient me contredire, mais c’est une église romane, alors que celle d’ici est de la fin du Moyen-âge et donc…

- Cette foi, tonna Torzh dans un jaillissement de flammèches pourpres qui ne disait rien qui vaille, si ça continue, le marquis aura le temps de l’envoyer ad patres, votre marquise, ou chez les anaon, ’sais pas si y a l’affichage bilingue là bas, mais le résultat sera le même!

C’est à cette dernière injonction qu’ils détalèrent tous vers le centre-bourg, bien loin derrière Volaskell en vérité, lequel, n’ayant pas pris part à la dispute car ses gènes le lui interdisaient, avait mis le cap sur l’église bien avant les autres. Détaler était un bien grand mot. Jehan boitait car il s’était tordu le pied dans sa chute, le comte était lui aussi retardé par toute l’attention qu’il mettait au pliage et dépliage d’un grand mouchoir à carreaux dans lequel il épanchait son chagrin, Torzh n’était guère plus rapide car elle s’escrimait des lunettes pour déchiffrer au soleil un long sms urgent que Jehan lui avait envoyé six mois de cela et qu’elle venait de recevoir. Quant au déambulateur à roulette de Sidonie, il suivait vaillamment, sans avoir remarqué que sa maîtresse s’était étalée dix mètres plus haut.

Mais ils ne tardèrent pas à rattraper Volaskell de Damas qui avait trouvé portes verrouillées.

- Quand-même, dit-il, tant qu’à avoua causé avec tous ces cures-dents, vous auouiez pu demandé la cléf!

- Ces curetons, rectifia Jehan.

- Youc’hou, cria Torzh, il y a une petite porte ouverte au nord.

Ils entrèrent dans le vaisseau lambrissé et suivant Jehan qui avait pris les rènes, se dirigèrent vers le revers de la façade ouest.

- Voici la porte de la tourelle d’escalier, dit-il. Torzh, avez-vous gardé la clef roudourienne?

La clef roudourienne, pour les béotiens, était une clef magique qui ouvrait tous les clochers.

- Bien sûr, la voici !

Jehan-Marc’har la prit mais continua de fixer Torzh, comme en attente.

- Ben quoi ?

- Enfin, Torzh, la formule magique, vous savez bien qu’il n’y a que vous qui puissiez…

- Ah oui, où ai-je la tête !

Elle recula d’un pas, un halo violet l’encercla et tenant la clef à bout de poignet rotatif elle clama :

Setu amañ an alc’hwez burzhudus

Pehini gant Sant Korneli en deus bet vertuz

Defot dibrennañ ar brageier

Da zigeriñ an hent d’ar c’hleier.*

Et en effet, la clef tourna dans la serrure comme dans du beurre. Jehan entama la montée.

- Mais où est donc Sidonie, maugréa-t-il.

- Restée en rade, dit Pornus.

- Ah, à la Rade, dit Torzh, hum une petite mousse...

- Faudrait voir à distouver les esgourdes Torzh, rouspéta Jehan. Bon le temps presse, vous pourriez pas l'activer un peu la vieille, Torzh.

- Pff, vos requêtes m'épuisent. Devrais-je vous rappelez que je n'écris plus les recettes de Torzh ar Sorserez dans la gazette Armorique Aujourd'hui depuis maintenant belle lurette et que de surcroît, je suis en retraite !

- Pour la vie de la marquise, Torzh, se lamenta Pornus.

- Bon!

Elle recula d’un pas, un halo violet l’encercla et montrant la direction de Brezel-Grenouille de son poignet rotatif elle clama :

Sant Don Bosco m'hoc'h asped

War Sidonie ledit ho vertuz

Evit na vo e Penn ar Bed

Nep maouez ken galoupus.*

L'incantation s'était à peine tue qu'on entendit un galop puissant frapper le bitume. Sidonie arrivait comme une flèche, short Addipas en manière de culotte et chaussettes de rugbywoman à mi-cuisses.

Nos héros, habitués aux extravagances torzhiennes ne s'émurent guère alors que Jehan, arrivé à la chambre campanaire, cognait déjà le battant contre la pince de la petite cloche pour saluer l'arrivée marathonienne de Sidonie.

- Pas le moindre doute, s'exclama cette dernière en direction de Jehan sur son perchoir, c'est bien la cloche que j'ai entendue.

Jehan-Marc'hkar redescendit et l'on tint conciliabule en bas de la nef. Où était la marquise? Le ton monta très vite entre les tenants de la théorie de la crypte, les adeptes du flair canin pour suivre les traces de la marquise, les défenseurs de la méthode Scotland Yard, les zélateurs du génie militaire français et celle qui proposa même de regarder dans le dictionnaire de Martial Médard dût-il pleuvoir quarante jour plus tard! Il y avait plus de brouhaha dans la vieille église que dans des halles, jour de marché.

- C'est pas bientôt fini? Quel manque de respect! On est dans un lieu de recueillement ici, de prière, faut-il le rappeler?

Tous tournèrent la tête vers la voix claire qui les avait interrompus. Et ce qu'ils virent les estomaquèrent.

Là, en haut de la nef, agenouillée sur un prie-Dieu, superbe, émergeant des vaguelettes innombrables d'une lourde robe en velours rouge sombre, telle la duchesse de Bretagne dans les enluminures, tronait la marquise en prière. Pornus frisa l'apoplexie alors que Volaskell, sans se départir de son flegme, montrait l'autel du doigt.

- Ceci est-il nooumal chez les catholiques?

Tous virent alors que l'autel avait pivoté sur le coté. En s'approchant comme un troupeau, ils ne tardèrent pas à apercevoir les marches qui descendaient.

- J'avais raison pour la crypte, dit Torzh.

La marquise daigna alors se lever dans une ample et majestueux mouvement. Pornus se précipita à ses pieds, s'étalant dans les replis de sa robe.

- Vengé, se dit Jehan-Marc'hkar à pensées basses.

- Relevez-vous mon cher comte que je vous conte mes aventures, dit, magnanime, la marquise.

- Ras-le-bol, dit Jehan, elle nous refait le coup d'Oxymoor.

- Comment ça demanda Torzh?

- Ben, c'est encore elle qui a tout résolu!

Ils suivirent la marquise dans les entrailles de l'église, un fort petit réduit en réalité éclairé d'une torche. Elle y montra un petit tas de poussière.

- Voici les reliques de feu le marquis de Brezel-Grenouille, dit ar markiz brun.

- Oooo!!!!

Une clameur admirative avait empli la crypte. La marquise, habituée, salua comme à l'opéra et entama son histoire.

- Alors que j'entâmais mon praliné létal pour réaliser mon Paris-Purgatoire aux amandes effilées...

- Moins vite, dit Torzh, je ne capte rien!

- ... j'entendis donc la cloche qui ne m'alerta pas le moins du monde. Il me sembla bien que Sidonie pâlit, mais bon... Soudain j'entendis un galop et je vis par la fenêtre la silhouette d'un cheval noir monté d'un drôle de cavalier tout aussi sombre dont les guenilles déchiquetées volaient au vent. Je me mis sur le seuil pour mieux voir et c'est là qu'il m'emporta. Sa force était inimaginable. Le marquis de Brezel-Grenouille, en personne. Nous arrivâmes vite à l'église, ce dont j'étais fort aise car ma position était très inconfortable. Un système actionné dans une crédence murale fit pivoter l'autel et je me retrouvai ici. C'est alors qu'il me cracha des obscénités au visage et qu'il entreprit de me forcer. Je savais hélas, que malgré son petit gabarit, je ne pourrais lui résister car il avait montré sur son canasson, une force inhumaine. Il baissa sa culotte...

BOUM!

Ce boum, c'est Pornus qui tombe dans les pommes.

- Ne t'évanouis pas mon chou-fleur adoré, attends la suite!

- Entendu, répondit Pornus.

- Il baissa donc sa culotte. Avez-vous déjà vu le vit d'un spectre? Eh bien, moi c'était ma première fois. C'était pâlichon, verdâtre même, mais surtout, ce pauvre marquis, était assez mal pourvu par la nature. Alors là, j'ai ri, mais j'ai ri. Je crois bien que j'ai fêlé un vitrail tellement j'ai ri. - Mais ignoreriez-vous qui je suis, dis-je alors. Marquise Koada de Fromulus de la Genistaie, épouse du comte Pornus, commandeur de Fort Nicus, le plus gros braquemart du cinéma X depuis l'après guerre! Vous pouvez bien me violer, je ne m'en rendrais même pas compte. L'effet fut immédiat. Zouin, zouin, zouin... La bestiole redescendit aussi sec. - Bah, je suis fini dit-il, et j'en suis heureux. J'en ai marre de cette errance sans fin. Vous êtes sans doute la femme de la prophétie. - Quelle prophétie? - Oh, un des mes compagnons d'infortune, un galérien, un indien des caraïbes, m'avait dit alors que j'agonisais. "Tu meurs avant d'avoir pu te racheter, ton au-delà sera errance jusqu'à que celle qui te résistera te libère." C'est vous, j'en suis sûr. Aidez-moi! - Volontiers, que j'ai dit, tout homme a droit au pardon, mais que dois-je faire? Il m'a alors indiqué comment trouver le trésor enfoui dans les ruines du château. -Promettez-moi d'utiliser tout cet or pour une oeuvre caritative de votre temps, pour les femmes de préférence, que j'ai fait tant souffrir...

- J'ai promis et il est redevenu poussière, conclut la marquise.

Tout encore finissait bien. Jehan-Marc'hkar rappela à tous que Biscotto les attendait au bord de l'océan pour la fête des cloches. Sidonie déclina l'invitation au prétexte qu'elle avait au sa dose de sonnailles. Quant à leur fidèle lecteur Rince-Bouteille, il ne rata pas l'occasion de rendre hommage à la marquise.

Capture2

 

C'est fini... Jusqu'à la prochaine fois !

* Pas de traduction disponible.

* Contenu top secret.

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Commentaires
C
Quand je pense que c'était un simple marquis. Une forme de noblesse déç(h)ue. Non pas la noblesse d'épée, tout au plus peut-on la qualifier noblesse de couteau émoussé.
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P
Mais vous sous-estimez vos lecteurs mon cher auteur ! Figure-toi que Brezel-Grenouille m'avait intriguée et que j'étais allée dare-dare fouiner sur le Net du côté de Plouégat-Guerrand ! Non mais des fois pour qui nous prend t-on ici ? :)
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K
A TOUS> Personne ne me le demande car personne ne doute de la fertilité de l'imagination d'Arzur Déconnant d'Oil, mais je tiens à préciser ici que je n'ai pas inventé l'histoire de base, cloche comprise: c'est l'histoire du marquis de Guerrand, dont les ruines du château ont serv id'illustration pour les premiers épisodes.
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C
Mais oui, j'avais complètement oublié !
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K
Calystee> C'est une récidive, souviens-toi... Tu réclamais déjà un "s" à l’époque!<br /> <br /> http://alanmeurvor.canalblog.com/archives/2010/12/25/19927794.html<br /> <br /> Plume> J'aurais peut-être un pièce à écrire!<br /> <br /> Cornus> Ah, je suis rassuré ! :)
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