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EN ALAN AR MEURVOR
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14 décembre 2010

LE CHAT DE KERVASKER11

kervasker11

Chapitre XI

Le maître de Kervasker

 

On n’attendit pas que six heures et demie sonnent à la sinistre horloge de Yann-Marc’hkar pour se mettre en route. Pour mieux dire, à six heures vingt, alors que bien des occupants du manoir réglaient encore les derniers détails de leur tenue – Yann-Marc’hkar hésitait entre trois pantalons, Pornus entre deux chapeaux, Fromulus vérifiait une centième fois le contenu de la boîte à bitrak, Torzh récupérait un de ses portables tombé dans la neige – Volaskell, prêt depuis vingt minutes faisait les cents pas dans la cour du manoir, persuadé qu’il allait manquer un hypothétique TGV et, las de poiroter, houspilla toute la clique qui se trouva en quelques seconde en ordre de marche à ses côtés. 

Le comte Pornus, kaki de pied en cap, un gros fusil en bandoulière et une ceinture de cartouches à la taille, procéda alors à la revue d’armes de ce qu’il décréta être sa troupe. 

-         Marquise de Fromulus, exposez vos moyens de défense, je vous prie. 

-         Boîte à bitrak opérationnelle, mon colonel, ironisa celle-ci en simulant le garde-à-vous. 

-         Ne vous moquez pas, marquise. Mon tableau de chasse est assez fourni pour que je puisse prétendre à diriger les opérations. D’ailleurs, Yann-Marc’hkar me l’a expressément demandé. 

Ce dernier confirma d’une courbette. 

-         Cette boîte contient-elle quelque objet utile, ma chère épouse ? 

-         Mon cher époux, le contenu de cette boîte est aussi confidentiel que celui du sac à main d’une femme, en vertu de quoi je vous saurai gré de n’y point regarder. 

Pornus n’insista pas. Il avait toutes les ambitions ce soir là, sauf celle de faire plier une bretonne. Il se tourna donc vers Yann-Marc’hkar. 

-         Et vous, hôte exquis, votre arme ?

Yann-Marc’hkar ne put présenter rien d’autre qu’un parchemin noirci d’écritures.

-         Un bout de papier, s’étonna le comte.

-         Mon arme est mon verbe, se défendit le scribouilleur, j’ai composé ici quelques vers assassins qui atteindront leur but plus sûrement qu’une flèche acérée.

-         Vous plaisantez, j’espère, mon pauvre ami, que peuvent vos alexandrins contre un mammifère velu ?

-         Voyez :

Yann-Marc’hkar déclama alors quelques vers de sa composition qui ravirent aussitôt le cœur de l’ex porn star. Celui-ci se pâmait devant un tel talent, les larmes lui venaient aux yeux. Profitant de cet instant de faiblesse, le poète le poussa tout en lui faisant un croc-en-jambe. Les fesses du comte ne tardèrent pas à goûter le moelleux de la couche de neige.

-         Il semble que mes vers viennent de terrasser un mammifère velu, conclu Yann-Marc’hkar, goguenard.

Pornus se releva en pestant et se dirigea vers Volaskell qui tenait un sac « Le Clair ».

-         Et vous ?

-         Well, j’ai pouis le sac de couoquettes et la sououis synthétique de Bis-Cotto. Avec ça, je pense pouvoi faioue diveousion, si le chat se pouésente. Apouès tout, un chat est un chat.

-         Mon pauvre, si ce chat existe, il aura eu le temps de vous croquer trois fois avant d’avoir vu votre attirail.

-         Mais je n’ai pas l’intention de montouer mon attiouail au chat !

-         Suffit ! Prenez ça plutôt.

Tous se regardèrent, bien persuadés que le comte avait perdu la raison.

-         Vous lui donnez une canne à pêche ?, demanda Torzh d’une voix sévère.

-         Bien sûr, mais pas n’importe laquelle. Cet instrument que vous voyez là, guidé bien sûr par les mains expertes de Pornus rex Copuli, est l’auteur d’un exploit, réalisé dans le plus bel endroit du monde, j’ai nommé l’étang du Dragon Terrassé ! La capture d’un silure de plus de 100 kg.

-         M’enfin, dit Torzh à bout de nerfs, quel rapport ?

-         Torzh, quelle béotienne vous faites ! Le silure est aussi nommé le poisson-chat et qui peu le plus peu le moins.

Bien que n’ayant convaincu personne, Pornus planta la canne entre les mains de Volaskell, un tantinet… désarmé. Il se planta enfin devant le dernier membre de la section d’attaque pornusienne.

-         Que vois-je, douairière ? Rien dans les mains, rien dans les poches ! Pas le moindre pendule, point de fiole ? Cela ne vous ressemble guère.

-         Messire Pornus, de votre propre aveu vous tenez les sciences occultes pour absconses et c’est un fait que vous n’y captez rien ! Vous ne voyez pas mon arme, mais elle est entre mes jambes.

Pornus se sentit rougir. Il fut soudain pris d’un doute sur ce que cachait la petite culotte pourpre – du moins l’imaginait-il – de la douairière. A ce moment, Torzh ouvrit sa cape et s’exclama :

-         La voila !

D’entre ses jambes s’avança Tizh-F, dont les yeux et les rubis du collier luisaient étrangement. Il regarda Pornus et laissa échapper un petit miaulement d’apparence innocente. Torzh ne se trompait pas sur le compte du comte. Qu’un si petit animal puisse être un moyen de défense dépassait l’entendement de Pornus.

-         Bien, cria-t-il pour masquer son malaise, la monstre est terminée, haro sur le monstre !

Ils se mirent donc en route, pendant que Fromulus, discrètement, notait le dernier jeu de mot de son homme sur son carnet, rempli de ses chefs d’œuvres verbeux, ainsi que ceux de Torzh, de Yann-Marc’hkar et aussi de la duchesse de la Génistaie, sa propre mère. Yann-Marc’hkar appuya sur la télécommande qui bloquait la chati-gothique.

Au sortir de la cour, ils s’enfoncèrent dans le sentier qui zigzaguait entre les énormes grododendrons dont les rameaux ployaient sous la neige jusqu’au muret de pierre qui délimitait la propriété. Là, ils trouvèrent un échalier au delà duquel débutait le vieux chemin de Kervasker qui rejoignait le manoir adverse à travers la lande. La sente était pentue entre deux talus où de maigres arbres décharnés se tordaient dans la froidure. Le revêtement blanc était intact et leurs pieds s’enfonçaient profondément, ralentissant leur marche. Yann-Marc’hkar regrettait que le concert de crissements de neige écrasée sous le poids de toutes ces bottes fût si bruyant. Il aurait préféré le silence, la concentration de tous ses sens en éveil, seuls capables de l’avertir de l’imminence d’un danger.

-         Contentez-vous d’observer Tizh-F, lui souffla au creux de l’oreille Torzh, une fois de plus à l’affût des pensées intimes d’autrui, lui sentirait, verrait, flairerait toute approche anormale.

Yann-Marc’hkar, toute désagréable que fût ce genre d’intrusion de Torzh, se sentit rasséréné. Tout le monde se tenait coi, sauf Volaskell qui marmonnait entre ses dents sans discontinuer. Certains mots, prononcés plus fort, émergeaient de ses borborygmes, tels « le texte », « repartir avec la banane », en entendant « ramonage » Torzh eut une pensée pour la sœur de feu son époux et à « l’honneur est une médaille posthume », Yann-Marc’hkar se dit que Shakespeare causait drôlement bien la langue de Molière. Il y eut quelques virages inquiétants dans le chemin où chacun craignait que le tournant ne leur réserve une vision d’horreur mais l’intrépide Pornus, en bon éclaireur, fit à chaque fois un signe d’apaisement, encourageant les autres à poursuivre. Pourtant, à un dernier virage, ils virent le comte s’immobiliser. Dans un réflexe de peur, la marquise s’arrêta sans crier gare, manquant de provoquer un carambolage piéton.

-         Qu’y a-t-il, murmura-t-elle ?

-         Le manoir, ma douce, nous sommes arrivés.

Tous alors se regroupèrent derrière Pornus. Eclairée par la pleine lune, la maison noble de Kervasker se découpait majestueusement sur le ciel étoilé. A la vue de cette bâtisse, Botyen leur parut bien modeste. C’était un manoir de la fin du Moyen-âge, tout en nervosité avec ses trois tours aigües, deux rondes dont l’une à échauguette, et la troisième, la plus haute et la plus fine, octogonale. Son étage supérieur s’élargissait sur encorbellement. Les toitures des tours et du logis étaient éventrées par des lucarnes aux gables à crochets. De grandes fenêtres à meneaux étaient partout dont la disposition régulière annonçait la renaissance. Malgré tous ces détails gracieux, le manoir de Kervasker affichait une élégante sévérité qui glaçait le sang au premier coup d’œil.  L’architecture du logis seigneurial imposait le respect et semblait proclamer la victoire à tout jamais de Kervasker sur Botyen. C’est dire s’ils s’avancèrent timidement jusqu’à la grande porte moulurée. Celle-ci s’ouvrit avant même qu’ils ne se signalent sur une femme au teint mat. Elle était d’une grande beauté. Ses cheveux aussi noirs que le charbon étaient longs et raides, ses yeux verts ressemblaient à ceux d’un chat, et tous les traits de son visage n’étaient que finesse. Elle était très maquillée mais avec virtuosité, ses jambes longues et fines étaient revêtues d’un étroit pantalon de cuir au dessus duquel, par delà une épaisse ceinture où brillaient des pierreries semblables à l’émeraude, bouffait un ample chemisier de soie noire qui venait buter sur un foulard à dominante verte.

-         Je suis heureuse de vous accueillir à Kervasker mes très chers voisins. Vous avez le privilège d’être les premiers à venir ici depuis quinze ans, dit-elle d’une voix suave.

Ils furent introduits dans la grande salle qui avait gardé la sobriété des temps anciens. De grandes tapisseries réchauffaient les sobres murs de granite appareillé.

-         Rapprochez-vous du feu, dit la femme, en montrant une immense cheminée, sculptées aux armes des Kervasker, dans les quelles Yann-Marc’hkar fut surpris de reconnaître l’effigie du chat. A part dans ma chambre et dans la cuisine où je passe le plus clair de mon temps en ce moment, il n’y pas d’autre chauffage à Kervasker.

Le brasier était tellement imposant qu’il inondait de chaleur un grand cercle autour du foyer où on avait installé un semblant de salon.

-         Monsieur de Kervasker, demanda Yann-Marc’hkar, que j’ai eu au téléphone, va nous rejoindre, je suppose.

-         Vous l’avez devant vous, répondit la femme, ou du moins ce qu’il est devenu.

 

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Commentaires
C
On a oublié de dire que le modèle de canne à pêche extraodinaire dont est désormais doté Volaskell est une Shakespeare, comme il se doit ?
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C
Serait-ce feu Monsieur de Kervasker?
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C
Chacun, fidèle à lui-même... Et une équipe globalement invincible : forcément personne ni rien ne pourrait résistera à un tel arsenal !<br /> <br /> L'illustration n'est pas immonde, elle est juste infernale.
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K
Ouh la la je sens que le chap XII va être très sexe ! Chic à nous !<br /> <br /> L'illustration ce coup-ci est IMMONDE ! Avec un peu de jaune en plus on se croirait chez Pinder...(Pas chez Pinter, hélas pour Volaskell)
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