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EN ALAN AR MEURVOR
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14 décembre 2010

LE CHAT DE KERVASKER 10

kervasker10

 

 

Chapitre  X

Pornus fait cavalier seul

Le comte Pornus, chaussé de raquettes, progressait laborieusement sur la route que seule l’excroissance des talus enneigés de part et d’autre permettait encore de distinguer de la lande environnante. La lumière diurne n’était déjà plus très vaillante, il fallait qu’il se dépêche.  Il avait pris prétexte d’une belle éclaircie pour simuler une brusque envie de photographier les monts Diarrée et personne n’avait été traversé du moindre doute.  La marquise s’était contentée de lui rappeler qu’ils étaient attendus autour des 19h00 à Kervasker, que malgré la proximité du manoir il fallait compter une bonne demi-heure de marche à cause du manteau neigeux. D’ailleurs, Pornus ne pouvait guère se permettre d’affoler une seconde fois la compagnie par un retard inopiné. Il désirait surtout ne pas attirer l’attention sur lui. Qui aurait compris sa démarche ? Il en avait assez de ces pendules, de ces imprécations magiques, de ces légendes. Dans l’affolement, il s’était lui-même laissé emporter par le flux de ces superstitions et avait assuré aux deux enquêteurs qu’il avait vu le chat géant. Mais qu’avait-il vu, au fond ? Une masse imposante, une fourrure animale. Cela aurait pu aussi bien être un ours, un gros chien même. Il allait donc de ce pas remettre les pendules à l’heure.

L’auberge du Menez n’était plus très loin. Il en apercevait les fenêtres au travers d’un bouquet d’arbre, de rares arbres dans cet océan de désolation. Avec l’arrivée soleil s’était levé un vent d’est glacial, coupant comme une lame, qui démultipliait l’impression de froid. Parfois, un sapin secoué par la bise déversait sur le marcheur solitaire un paquet de neige tombé d’une branche. L’un d’eux, compact, failli faire tomber le marcheur. Il voyait maintenant les lumières de l’auberge, déjà allumées malgré l’heure. Aux abords de la vieille bâtisse, un bruissement se fit entendre derrière un gros tronc. Le comte tourna la tête avec nervosité, mais ne vit rien. C’est avec soulagement qu’il poussa la porte avec précipitation et qu’il s’engouffra dans la chaleur de l’auberge. La pièce était sombre avec ses murs en pierres apparentes, son comptoir et ses tables faits d’un bois sombre où le relief des nœuds et des départs de branches avait été conservé. Dans une petite cheminée brûlait un feu de tourbe. Attablés auprès d’elle, Gwethenoc Glasten et Fulgence Donemat sirotaient un irish coffee.

-    Ponctuel, Monsieur le comte, lança Gwethenoc du ton de celui qui distribue des bons points. Ce n’est pas rien par ce temps. Votre appel nous a surpris, Fulgence et moi.

Le détective sembla hésiter sur la façon de poursuivre.

-         Auriez-vous découvert quelque-chose ?

-         Non, rien à vrai dire, désolé de vous décevoir. Je voulais seulement revenir sur ce que j’avais déclaré un peu trop vite, sous le coup de l’émotion…

-         Ah oui ?

-         Je ne peux pas affirmer en réalité que la chose que j’ai vue était un chat surdimensionné. Il y avait un gros animal, sans le moindre doute, mais vraiment, je ne sais pas ce que c’était. Et je refuse de croire que felis catus puisse atteindre de telles dimensions !

-         Hum, hum, dit le rouquin avec un filet de déception dans la voix. Vous n’avez aucune idée de ce que cela pouvait être.

-         Un énorme chien, un ours, me souffle ma logique mais franchement j’étais trop affolé, je n’ai pas vraiment vu. Mais j’imagine que les détectives que vous êtes – ancien policiers, je présume – se rangeront volontiers à ce genre de conclusion. Je voulais justement échanger avec vous à ce sujet. Je suis entouré de gens fantasques au manoir de Botyen et il est temps de réfléchir à cette affaire avec sérieux. Il y a trois morts, tout de même ! La même chose s’il vous plait, demanda-t-il au serveur en montrant les irish coffees.

-         Nous enquêtons, dit Fulgence un peu précipitamment, nous enquêtons avec le plus d’impartialité possible, sans la moindre idée préconçue et comme vous, mon cher comte, notre longue expérience du crime nous portait à voir dans ces atrocités l’une des expressions de l’horrible inventivité humaine dans l’exploration du mal, l’œuvre d’un tueur en série dérangé victime de poussées d’animalité meurtrière mais… tous les éléments que nous avons recueillis jusqu’ici, et qu’il serait fastidieux d’énumérer devant un non initié, accréditent la thèse du chat, du chat de Kervasker. Vous nous en voyez très troublés, nos certitudes vacillent mais il nous faut accepter l’indéniable.

-         Messieurs, voyons !, s’insurgea Pornus, vous n’avez sans doute pas épuisé toutes les pistes. Quelque-chose vous aura échappé.

Glasten semblait excédé.

-         Sachez faire confiance aux gens du métier, et ne vous mêlez pas de cette affaire, je vous prie. Je n’ai jamais échoué, moi, Guethenoc Glasten, 221B, rue de la Boulange, Lourdes. Mes exploits sont assez relatés dans la presse pour que vous n’ignoriez pas qui je suis !

-         Eh bien moi, dit notre ami en se levant, comte Pornus rex Copuli…

-         A votre place, je serais moins assuré de ma grandeur, coupa avec perfidie le moustachu.

Ce disant, il sortait quelque chose de sa sacoche. Pornus ne fut pas long à reconnaître une cassette VHS de « Tournante Flamingante ». Il rougit.

-         Votre passé semble moins glorieux que celui de mon maître, continua Fulgence. Le stupre mène souvent au crime et s’il s’avère qu’un homme dirige la bête, vous seriez au premier rang des suspects.

Pornus était rouge de rage.  Il frappa la table de son point, renversant son irish coffee à peine entamé.

-         Moi, je suis de la race de Bis-Cotto et du maire de Ploumalin, je n’ai peur de rien, ni de personne !

-         Nous pourrions envoyer cette cassette à la marquise…

-         Ah, ah, éclata de rire Pornus, mais nous les avons déjà visionnées plusieurs fois, toutes mes œuvres. Parfois, ça donne des idées. Vous ne m’inspirez guère confiance, vous êtes des charlatans, vous profitez de la détresse des insatisfaits de la police pour soutirer des honoraires exorbitants ! Or moi, comte Pornus, les charlatans, je les combats, j’en ai pourfendus croyez-moi, et de tout poil, des voyants, des faux écolos, des tenants de la mémoire de l’eau, des témoins de Geopardy, des nazillons, des nasillards, des du clan du cul…

-         Calmez-vous, malotru ! dit une voix à l’autre bout de la pièce.

Il est vrai que l’aubergiste – il n’y avait pas d’autre client – n’était pas loin de croire que Pornus était le fauteur de trouble et il saisissait discrètement de derrière son comptoir sa tapette à mouche, seule arme dont il disposait.

-         Quoi, dit Pornus, on croit pouvoir venir à bout de Pornus avec ça !! Ah, ah, aubergiste on se trompe d’ennemi, frappez plutôt ces deux là et faite mouche sur les tapettes !

-         C’est indigne, hurla Guethenoc !

-         Je me mettais juste à votre niveau, répliqua Pornus.

-         Au diable la noblesse déchue, la porn star sur la touche !

-         Point sur la touche, mon cher, je me suis retiré de moi-même, si je puis dire ! D’ailleurs Pornus agit, lui ! Je vais de ce pas dîner à Kervasker, au cœur du mystère et c’est bien le diable si Rex Copuli ne dénoue pas cette affaire.

A cette dernière phrase, les deux détectives se raidirent et pâlirent.

-         Vous allez à Kervasker ?

-         J’y file !

-         Mais vous courrez un grand danger, cet homme est à l’origine de tous les maux de cette région, et cela depuis des siècles. Il est sans nul doute le maître du chat et en tant qu’ami du nouveau propriétaire de Botyen… vous êtes en première ligne !

Mais Pornus n’écoutait plus. Il avait jeté un œil à sa montre et il était plus que temps qu’il retourne à Botyen.

Il paya rageusement l’aubergiste et repris sa difficile marche en sens inverse. La conversation l’avait tant énervé qu’il ne sentait plus le froid, ni la peur malgré le jour déclinant, malgré l’étrange sensation qu’il avait eue avant son entrée dans l’auberge. Tout son esprit était occupé à repasser en boucle cette entrevue avec les deux détectives. Deux parfaits incapables, voila ce qu’ils étaient et le comte enterra l’espoir qu’il avait nourri de collaborer avec eux pour résoudre cette énigme.

Tous les habitants de Botyen semblaient, chacun à sa façon, bien déterminé à mettre un point final aux carnages du prétendu chat géant. Seuls Yann-Marc’hkar et Volaskell ne paraissaient pas vouloir jouer un rôle quelconque.

Quand il arriva en vue de Botyen, Pornus visa son appareil photo. Il savait que la carte mémoire en était vide et Yann-Marc’hkar ne manquerait pas de la lui demander pour visionner ses photos. L’invitation à Kervarker était une aubaine, il pouvait prétexter le manque de temps et il aurait toute la nuit pour peaufiner un mensonge. 

 

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Commentaires
C
Comment peut-on faire autrement que de souffler en voyant ce Pornus s'essouffler en vain devant le piteux spectacle de Dupont et Dupond. Il aurait mieux fait de boire une bonne vieille bouteille de Corton ou de Chambertin.<br /> <br /> Sinon, ça commence à me faire vachement peur cette histoire. Non pas que je craigne pour certains personnages (encore que...), mais que tout ceci se retrouve un de ces quatre matins publié dans un livre.<br /> <br /> Super, hyper géniale la photo. En voyant ça, Piergil va passer pour un tout petit garçon.
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K
Par contre il m'avait échappé qu'une minuscule bestiole noire se profilait au-dessus des terribles roches !
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K
"Je me suis retiré de moi-même" hahahahaha !<br /> <br /> La photo est terrible, on dirait que les roches ont des oreilles de chat monstrueux.<br /> <br /> Sinon, je suis peut-être pas Guethenoc Glasten mais il ne m'a pas échappé que j'ai lu à 22 h 41 un texte prétendument posté à 22 h 57...
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