HISTOIRE EROTIQUE
- Allo ?
- Je voudrais parler à Karagar s’il vous plait.
- C’est moi-même.
A la façon alambiquée dont il prononce mon nom, je le classe d’emblée dans la catégorie de ceux que la perspective de prononcer un mot en breton émotionne et que cette prévention rend plus maladroit encore.
Mais lorsqu’il m’explique qu’il réalise des reportages pour FR3, je perçois, à une tension dans la voix et à sa façon de ne pas aller droit au but, une légère gêne persistante.
- Je prépare une émission sur la langue bretonne et l’érotisme.
- Ah !
A partir du moment où il a lâché le morceau, il me parle de sa thématique pendant dix bonnes minutes, discours truffé de références aux œuvres d’Homo Eroticus Britonicus ssp. Hudurus qui font référence en la matière, sans me dire pourquoi il m’appelle !
Ayant épuisé tous les tours de pot raisonnablement envisageables, il en vient à la raison de son appel. Sa voix trahit de nouveau une montée de stress. Rien n’est moins compréhensible. Il a une chance sur deux de se faire envoyer bouler.
- Je vous contacte, vous l’aurez deviné (c’est bien sûr ce qu’il espère), concernant l’homosexualité. On ne peut pas ne pas parler de ce sujet si on aborde l’érotisme.
Il a commencé à lire mon dernier livre (bilingue) et en parle comme du premier ouvrage homo en breton. Je corrige, il fut précédé d’un autre, mais ça tombe plutôt bien, c’est moi aussi qui l’ai écrit.
- Ah oui, mais celui-ci, il fait naître des images.
(Ah ! Fais-moi un dessin !)
Il veut savoir comment les bouquins ont été reçus. Ben, radicalement différemment mon gars. C’est compliqué, mais ça l’intéresse. Je lui balance la tonalité des dernières critiques littéraires ! Il m’interroge aussi sur une éventuelle archéo-crypto littérature sur le sujet en breton et quantités d’autres choses.
Soudain, nouveau petit pic de stress dans la voix.
- Accepteriez-vous d’être filmé.
J’oublie de cabotiner et je réponds sans hésiter :
- Mais bien sûr !
Nous nous rencontrons la semaine prochaine.
Hé, hé, ceux qui voudraient qu’on n’en parle pas en auront pour leur compte…